Les sables mouvants du PS

Elio Di Rupo, président du PS, s’enlise à Huy. Les dépenses d’Anne-Marie Lizin, sur le compte d’un hôpital en mauvaise santé, irritent les troupes socialistes. Plus d’un an de palabres.

Comment en finir avec le  » cas Lizin  » ? La saga tourne au cauchemar pour la direction du PS. Depuis plus d’un an, les frasques d’Anne-Marie Lizin, locomotive électorale du parti, ancienne présidente du Sénat et actuelle bourgmestre empêchée de la ville de Huy, en convalescence dans le Midi après une grave opération au c£ur, défraient la chronique. Mille fois, des éditorialistes ont réclamé sa mise au rancart. La semaine passée encore lorsqu’ont été exhumées, à la Une des journaux, les prodigalités de la diva. Le suspense avait duré de longs mois. Lizin en personne avait-elle abusé d’une carte bancaire du Centre hospitalier régional de Huy (CHRH), intercommunale publique, que sa garde personnelle contrôle depuis des lunes ?

Voyages aux quatre coins du globe, incessants séjours à Paris, petites gâteries dans des boutiques, nuits dans des palaces. Oui, de 1998 à 2002 notamment, la bourgmes-tre et présidente du CHRH a mené grand train. Mais la justice n’en a cure, semble-t-il : il y aurait prescription. Tandis que les dépenses d’Anne-Marie Lizin étaient politiquement couvertes : avalisées par les instances dirigeantes de l’hôpital, pourtant sous le coup d’ un planà d’austérité. Facile. L’hôpital était bouclé à double tour par de braves lieutenants de la baronne socialiste. Ceux-là mêmes qui se sont moqués du ministre wallon des Affaires intérieures Philippe Courard (PS) et du président du PS, Elio Di Rupo, réclamant en vain la vérité depuis le printemps 2008.  » J’ai été le vice-président du CHRH de mai 2001 à fin 2006, témoigne le socialiste Eric Lomba, bourgmestre de Marchin, commune voisine de Huy. J’ai participé à toutes les réunions du comité directeur et du conseil d’administration. Mais je jure qu’on ne m’a jamais parlé de voyages à Palm Beach !  » Lomba s’égosille à faire entendre la voix d’un autre PS, soucieux de partager le pouvoir. Il paraît dépité.

Le 14 janvier, le président Di Rupo a publié un communiqué jugeant  » incompréhensibles  » les dépenses de l’encombrante Anne-Marie Lizin. Celle-ci sera convoquée devant le comité d’audit du PS, dès que sa santé le permettra. Scénario le plus probable : audition dans plusieurs semaines, nouvelle controverse juridique, renvoi ultérieur devant la commission interne de déontologie.  » Mais quelle sanction lui infliger ? interroge un cacique du PS. L’obliger à tout rembourser ? Ce n’est pas crédible.  » Le  » peuple  » socialiste a compris qu’Elio Di Rupo, piégé, joue la montre. Par e-mail, les mandataires ont été invités à se taire dans toutes les langues, à propos du cas Lizin. Di Rupo veut étouffer l’affaire jusqu’au lendemain des élections régionales de juin prochain.  » Le président a voulu marquer le coup. Mais c’est insuffisant ! Voilà, c’est dit, souffle Serge Manzato, président de la fédération socialiste de Huy-Waremme. Tant pis si cela me vaut des ennuis. Ce ne peut être pire qu’aujourd’hui. Je suis entouré de jeunes mandataires qui prônent le renouveau. Mais nous sommes pénalisés par les pratiques en décalage du clan Lizin. Les dépenses au CHRH sont totalement inacceptables. Point. « 

Manzato n’en dira pas plus. L’agacement atteint son paroxysme au c£ur du PS. Davantage que les casseroles de la patronne de Huy – sa lettre pour influencer une magistrate dans une banale affaire de garde d’enfants, son mépris d’une consultation populaire à propos d’un projet immobilier au lieu-dit des Récollets, ses tracts électoraux distribués par des agents communaux pendant leurs heures de service, son usage abusif des deniers publics à l’hôpital -, c’est la stratégie de défense qui ulcère. N’importe qui aurait lâché du lest. Lizin, elle, s’accroche à son pré carré, déclare qu’elle y rêve de majorité absolue et prétend qu’elle et son mari, accouru à ses côtés, rendront coup pour coup. Alors qu’il aurait suffi d’un tout petit acte de contrition, d’une déclaration de transparence, d’un plan de renoncement progressif à certains leviers, pour diminuer la pression. A défaut, dans l’imaginaire collectif, Huy soutient la comparaison avec le Charleroi de  » Van Cau « . Aucune preuve de malhonnêteté systématique, certes, mais un même rapport malsain à l’argent, une même corrosion du pouvoir absolu.

De quoi réserver d’autres mauvaises surprises à la direction du PS, qui subit et encaisse les beignes. Le 13 janvier, au parlement wallon, la majorité PS-CDH a tremblé sur ses bases pendant de longues minutes. Un député CDH dont la carrière n’est plus à faire, le bourgmestre de Marche-en-Famenne, André Bouchat, a ouvertement réclamé des sanctions disciplinaires à l’encontre d’Anne-Marie Lizin, suite aux révélations sur ses dépenses. Marre d’apparaître complaisant, comme les socialistes de Huy-Waremme. Communiqué, puis annonce prématurés, à 17 heures, sur les ondes de la RTBF, parfum de crise à Namur : il a fallu l’intervention des présidents de parti pour ramener le calme. De  » sanctions « , il ne sera pas question tout de suite. Doux euphémisme. Voilà le ministre Courard prié une nouvelle fois de noyer le poisson. Un expert dira si la tutelle ministérielle, s’exerçant sur des bourgmestres, peut s’autoriser un blâme envers une ancienne présidente d’intercommunale.

Philippe Engels

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