Les provinces en sursis ?

Faut-il supprimer les provinces ? Le débat est relancé par le programme d’Ecolo qui va percoler sur les gouvernements wallon et bruxellois.

Le greffier de la province de Hainaut (majorité PS-MR), patron de l’administration, s’était permis, le vendredi 5 juin, à l’avant-veille des élections, d’envoyer un mail à ses 10 000 agents provinciaux pour brandir la menace que représente pour eux la position des écologistes sur le sort des provinces. La méthode a choqué le coprésident d’Ecolo Jean-Michel Javaux qui a annoncé son intention de demander des explications. Car son parti dit ne pas vouloir rayer d’un trait de plume les provinces, et encore moins d’envoyer au chômage les milliers d’enseignants, d’infirmières ou d’éboueurs qui sont agents provinciaux. Les verts proposent en fait  » de restructurer et de simplifier le niveau de pouvoir intermédiaire  » entre Région et communes. Cette réorganisation passerait par la création de  » bassins de vie « , des communautés de communes, couvrant l’ensemble du territoire. Les missions et les moyens, y compris humains, des provinces seraient transférés vers les autres niveaux : communes, bassins de vie, Région ou Communauté. La redistribution engloberait aussi les 9 invests, les 6 agences de stimulation économique, les 5 TEC (transports en commun, les 12 intercommunales (et 3 régies) de distribution de gaz et d’électricité…

Toute cette réorganisation, précise le programme d’Ecolo, doit s’opérer dans le respect de l’emploi, et ne doit pas se faire en un jour, mais par étapes. La suppression des provinces en Wallonie (la question n’est pas à l’ordre du jour en Flandre) nécessite d’ailleurs une révision de la Constitution

 » La logique des bassins est déjà appliquée dans de nombreux domaines, observe Denis Mathen (ex-MR), gouverneur de la province de Namur : bassin culturel, bassin social, bassin économique, bassin de sécurité… Les usines Solvay (classées Seveso), à Jemeppe-sur-Sambre, sont à deux pas du Hainaut, nous en tenons compte. En matière économique, les provinces de Namur et de Luxembourg ont élaboré en commun des projets pour la Famenne. Il faut réfléchir sur les matières, les partenariats, la composition des organes… Mais si la province disparaît, il y aura un manque. « 

Simplifier la lecture politique

Pour Alain Trussart, député provincial Ecolo du Brabant wallon ( » député permanent « , selon l’ancienne appellation),  » il faudrait établir le cadastre des compétences d’excellence des provinces : si on les appelle communautés de communes et si on leur permet d’être plus efficaces, de faire peut-être moins, mais de le faire mieux, alors je suis preneur, cela simplifiera la lecture politique « . Mais d’économies, on n’en fera guère en supprimant les provinces, prédit-il.  » Tout au plus épargnera-t-on le coût de la représentation politique d’une institution sclérosée, la plus vieille de la Belgique, qui existait même avant elle puisque les provinces ont été dessinées sur la base de ce qui existait avant, la principauté de Liège, le duché de Brabant ou le comté de Hainaut… « 

Pour Paul-Emile Mottard (PS), député provincial liégeois et président de l’APW (Association des provinces wallonnes), les provinces garantissent une certaine solidarité territoriale et, par définition, leurs missions spécifiques peuvent différer :  » Le Hainaut et Liège ont beaucoup investi dans la formation professionnelle et l’enseignement technique pour répondre à un besoin historique de leurs industries ; la province de Luxembourg a permis de garder des structures hospitalières. « 

 » Sans la province, il n’y aurait aucun hôpital, aucun IMP en province de Luxembourg, surenchérit Philippe Courard, ministre PS sortant des Affaires intérieures. Je suis d’accord qu’on ouvre le débat, mais il faut se poser la question de savoir qui est à même de rendre le meilleur service aux gens. C’est parfois la commune, parfois la province, la Région ou la Communauté. Les routes provinciales, par exemple, pourraient revenir à la Région, cela avait été décidé par mon prédécesseur Charles Michel (MR), mais il n’avait pas prévu les accords financiers. Par contre, j’estime que l’ensemble des cours d’eau non navigables devraient revenir à la province, car certaines communes ne les entretiennent pas. « 

 » Publique et démocratique « 

 » S’il n’y avait pas les provinces, affirme encore Paul-Emile Mottard, pensez-vous qu’il y aurait le musée Rops à Namur ? Le musée de la Vie wallonne à Liège ? Le site du Grand-Hornu ? Et le développement du réseau de lecture publique ? Il y a des matières dans lesquelles on travaille bien. Je ne suis pas fétichiste, je reconnais que l’institution peut et doit évoluer, mais je pense que ce serait une erreur de supprimer la province et sa représentation politique pour la remplacer par une nouvelle structure, bassin de vie ou autre. « 

 » Si l’on veut substituer à la province une autre structure, conclut le gouverneur Mathen, il faudra en tout cas veiller à ce qu’elle soit publique et démocratique.  » En clair : éviter de retomber dans le système d’intercommunales obscures qui permettaient à des satrapes locaux de confisquer le pouvoir à leur profit ou à celui de leurs amis. Beau débat.

MICHEL DELWICHE

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