Les prisons wallonnes, moins sûres !

Un document interne à l’administration montre que les prisons francophones du pays sont bien moins sécurisées que les prisons flamandes. Un constat qui pèse inévitablement sur les négociations actuelles entre les syndicats et la Justice.

Au sein du gouvernement, on ne veut pas communautariser le problème des prisons. Et pourtant… Il existe des différences surprenantes entre les établissements francophones et néerlandophones du pays. En particulier en matière de sécurité, le sujet qui fâche le plus les surveillants pénitentiaires pour le moment. Sans parler, bien sûr, des réductions en personnel évoquées par la ministre Annemie Turtelboom : le gouvernement papillon veut malgré tout imposer des économies à la Justice, alors que ce secteur avait été épargné lors des discussions budgétaires. Ces deux points, sécurité et emploi, sont étroitement liés.

Selon un document interne à l’administration pénitentiaire, que Le Vif/L’Express s’est procuré en exclusivité, il apparaît que les infrastructures en matière de sécurité sont en bien plus mauvais état dans les établissements du sud que dans ceux du nord du pays. Dans les deux tableaux ci-joints, on voit clairement que les indicateurs pour les alarmes, les serrures électriques, l’interphonie, les caméras ou la détection de mouvement sont majoritairement au vert côté flamand et majoritairement au rouge ou tendant vers le rouge côté francophone. La distinction est confondante. La situation est surtout préoccupante dans les prisons de Verviers, Tournai, Mons, Namur, Lantin, Jamioulx, Berkendael et Dinant. En Flandre, seule la prison de Termonde, très vétuste, se voit octroyer des points carmin. Dans plusieurs établissements wallons, même la détection incendie laisse à désirer…

A qui attribuer la responsabilité de cette situation désastreuse ? L’entretien des prisons repose à la fois sur le SPF Justice et sur la Régie des bâtiments. Cette dernière se charge plus spécifiquement des équipements de sécurité. Négligence ? Manque de rigueur ? Lourdeur procédurale ? D’après plusieurs sources, il serait plus fastidieux et compliqué de travailler avec la Régie côté francophone que néerlandophone, en ce qui concerne les prisons… Les dossiers ne sont pas suivis ou engagés à temps. Au Conseil des ministres, il manque souvent tel ou tel document dans les dossiers francophones. Bref, des négociations seraient en cours pour que le budget de la Régie dévolu à l’entretien des infrastructures de sécurité – près de 10 millions d’euros – soit désormais confié à l’administration centrale des établissements pénitentiaires.

Quoi qu’il en soit, la situation actuelle pousse les francophones à résister à toute volonté flamande de communautariser davantage le secteur carcéral, au-delà de l’aide sociale aux détenus. Car les lacunes en matière de sécurité ont inévitablement des répercussions sur l’importance du personnel : ce sont les gardiens qui doivent pallier les défaillances techniques. Vu l’état des prisons du sud du pays, une communautarisation ou une régionalisation serait catastrophique.

Par ailleurs, les tableaux publiés par Le Vif/L’Express montrent qu’il est plus urgent d’investir dans la maintenance et la réparation du matériel existant que d’engager des dépenses importantes pour l’acquisition de détecteurs de métaux à l’entrée des préaux, comme le prévoit la ministre Turtelboom. Les gardiens sont d’ailleurs persuadés que ces scanners seront vite dépassés par l’ingéniosité de certains détenus qui fabriqueront des armes non métalliques tout aussi dangereuses.

Le Masterplan, qui prévoit la construction de sept nouveaux établissements et le remplacement de six autres, n’est pas étranger à la dégradation de l’état actuel des prisons. Depuis que ce plan a été lancé, les gouvernements successifs se sont exclusivement focalisés sur cet objectif qui doit théoriquement se concrétiser d’ici à 2013 et 2016, selon les projets. Les investissements à court terme sont dès lors mis au rancart. Y compris en matière de sécurité ? Dans les prisons wallonnes, cela semble être le cas…

THIERRY DENOËL

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