Oscar Lalo. © joachim perez

Les pouponnières du Reich

Pendant sept semaines (du 30 juillet au 10 septembre), Le Vif/L’Express se penche sur les romans candidats au Prix Filigranes 2020 qui récompense, pour la 5e année,  » un livre de qualité accessible à tous « . Sept ouvrages francophones, dont cinq sortiront à la rentrée littéraire, sont en lice.

6/7 – La Race des orphelins Par Oscar Lalo

Dans leur délire eugéniste, les nazis ont créé au sein des centres du Lebensborn les enfants parfaits du Reich. Dans toute l’Europe, des femmes, volontaires ou non, étaient littéralement engrossées par des S.S., et les nouveau-nés enlevés à leurs parents. Tous orphelins, mais tous rejetons du Fürher. Quand  » le totalitarisme crée un homme de masse…  »

Après la guerre, ils n’ont jamais été considérés comme des victimes. Mais peut-on l’envisager quand on a été engendré par des bourreaux ? Voilà le dilemme d’Hildegarde Müller, narratrice de ce roman-journal, issue d’une de ces pouponnières morbides, implantée en Norvège. C’est sa voix que l’on lit mais pas ses mots pour autant.  » Je sais à peine lire et écrire. Je devais être la gloire de l’humanité. J’en suis la lie.  » Son  » scribe suisse  » (S.S. aussi, souligne-t-elle) nous transmet sa quête d’identité profonde et irrésolue, celle d’une enfant qui, toute sa vie, a vécu l’enfer de l’indifférence. L’écrivain helvétique Oscar Lalo (Les Contes défaits) se fait le porte-plume d’une sans-voix, au nom de tous ses semblables. Préférée au roman historique, la forme du journal intime incite à un examen de conscience collectif. Les entrées d’une demi-page à peine, ciselées à la perfection – car peu de mots sont nécessaires, quand ils sont bien choisis, pour raviver cette mémoire ignorée – imposent les interrogations de ces oubliés à notre silence.

Belfond, 288 p.
Belfond, 288 p.

La note du Vif : 9/10 Belfond, 288 p. Paru le 20 août.

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