Les nouveaux Gandhi

La victoire du parti du Congrès assure à la plus grande démocratie du monde une stabilité inespérée. Grâce aux héritiers d’une dynastie politique en plein regain.

DE NOTRE CORRESPONDANT

Pour la première fois depuis près d’un demi-siècle, un chef de gouvernement indien est réélu après avoir achevé un premier mandat de cinq ans. Avec, en prime, une majorité renforcée. C’est dire à quel point la victoire de la coalition emmenée par le parti du Congrès aux récentes élections législatives est exceptionnelle !

Avec 262 sièges sur 543, l’United Progressive Alliance n’a certes pas obtenu une majorité absolue au Parlement, mais elle n’aura besoin que d’un ou deux alliés supplémentaires pour y parvenir. Une excellente surprise pour la stabilité politique du pays. Avec la montée en puissance des partis régionaux, ces dernières années, le Premier ministre, Manmohan Singh, craignait de devoir s’allier avec une myriade de petites formations opportunistes pour obtenir une majorité, ce qui aurait placé son gouvernement à la merci de tous les chantages.

Contrairement aux prévisions, les partis régionaux ou de caste, qui se voyaient déjà en  » faiseurs de rois  » à l’issue d’un vote fragmenté, ont été laminés par les électeurs.  » Ils ont payé leur opportunisme et la conviction affichée qu’ils étaient incontournables pour former une coalition au niveau fédéral « , analyse Sudha Pai, professeur de sciences politiques à New Delhi. Leur débâcle a en tout cas directement profité au Congrès, qui, en remportant à lui seul 206 sièges, vient de réaliser son meilleur score électoral depuis 1991.

Les programmes lancés par le gouvernement sortant pour développer les campagnes, où vivent toujours 2 Indiens sur 3, ne sont pas étrangers à cette renaissance inattendue du  » grand old party « . Mais la victoire est surtout le fruit du travail de Rahul Gandhi, bientôt 39 ans, fils de l’ancien Premier ministre Rajiv Gandhi, assassiné en 1991, et de Sonia Gandhi, aujourd’hui présidente du Congrès. Longtemps resté dans l’ombre de sa mère, le plus jeune héritier de la célèbre dynastie a fait son coming out politique pendant la campagne, au point d’en devenir la tête d’affiche.

Au-delà de l' » effet Gandhi « , toujours aussi efficace auprès des foules rurales, la présence du trentenaire dans les rallyes aux quatre coins du pays a permis de séduire la jeunesse, atout crucial dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. Malgré son manque d’expérience, Rahul est aussi apparu comme un excellent stratège, profitant de son nom pour imposer des décisions toutes personnelles aux apparatchiks du parti. C’est notamment lui qui a décidé de ne pas forger d’alliances préélectorales dans plusieurs Etats clefs du nord ; vivement critiquée, cette initiative s’est finalement révélée salutaire. A présent, même les congressistes les plus expérimentés souhaitent le voir devenir rapidement Premier ministre, dans le sillage de son père, de sa grand-mère et de son arrière-grand-père.

Dans l’immédiat, Manmohan Singh espère le voir entrer au gouvernement.  » Mais je vais devoir le convaincre « , a-t-il précisé, car le jeune héritier rechigne à se jeter à l’eau. Rahul Gandhi entend poursuivre la refonte du parti familial plutôt que de chercher les feux de la rampe. Son ambition : inculquer une culture de méritocratie et renouveler les instances dirigeantes en y faisant entrer davantage de jeunes. Une révolution qu’il est probablement le seul à pouvoir mener. Question de nom. Mais aussi, désormais, de crédibilité.

PIERRE PRAKASH

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