Les ministres ont pris du poids

Y a pas photo. Entre la fine équipe monocolore de de Broqueville I de 1914 et la coalition à six branches de Di Rupo I, les gouvernements ont pris du volume.

Le cabinet de Broqueville I

En 1914, dix ministres suffisent à faire tourner la boutique. Ils sont tous catholiques de la tête aux pieds. Cette belle uniformité les dispense de devoir se serrer autour de la table pour faire place à des représentants d’autres chapelles. Le temps est aux cabinets homogènes et restreints. Restreints car calibrés sur le core business de l’Etat, encore très modeste. C’est en 1907 qu’un gouvernement atteint pour la première fois la barre des dix ministres.

Affaires étrangères, Intérieur, Justice, Guerre, Finances : les départements régaliens sont en force. S’y sont ajoutés : un ministre des Colonies, pour cause de reprise du Congo par l’Etat belge en 1908 ; un nouveau ministre des Sciences et des Arts, qui préfigure le ministre de l’Instruction publique. Complètent le tableau : l’Agriculture et les Travaux publics ; l’Industrie et le Travail ; les Chemins de Fer, la Marine, les Postes et Télégraphes. Aucun ministre à vocation sociale ou environnementale, ni à profil institutionnel. L’époque ne s’y prête pas.

Le  » patron  » s’appelle toujours modestement chef de cabinet. Charles de Broqueville s’offre d’ailleurs le luxe de cumuler sa fonction de primus inter pares avec le poste de ministre de la Guerre, histoire de mieux faire avaler l’amère pilule du service militaire généralisé.

De Broqueville Iprend uncoup de jeune. Il affiche une moyenne d’âge de 51 ans et aligne quatre quadragénaires dans ses rangs, alors que le cabinet de Smet de Naeyer, qui a dirigé le pays au tournant du siècle, frôlait encore la moyenne de 55 ans.

L’équipe se retrouve entre hommes. Entre juristes : huit ministres sur dix sont docteurs en droit. Entre Belges : ces cinq Flamands, trois Wallons et deux Bruxellois conversent exclusivement en français et ignorent ce qu’est la parité linguistique. Ils gouvernent entre catholiques, même si cette unanimité de façade masque mal une poussée de la jeune droite. Tout ce petit monde agit en petit comité, sans cabinets ministériels, mais en prise directe avec une administration toute dévouée puisque aussi catholique que l’est le gouvernement.

Enfin, il arrive à l’équipe de de Broqueville de devoir élargir le cercle, lorsque le roi Albert en personne s’invite en conseil des ministres pour le présider.

Le gouvernement Di Rupo I

L’organigramme s’est étoffé. Treize ministres, flanqués de six secrétaires d’Etat, assistés d’autant de cabinets ministériels. C’est la rançon d’un gouvernement de coalition. Et quelle coalition ! Six partis à bord (PS – MR – CDH – CD&V – SP.A – Open VLD), trois familles politiques (socialiste – libérale – chrétienne-démocrate) dont il faut satisfaire les appétits.

L’Etat-providence a considérablement enrichi la palette des portefeuilles. A côté des indémodables (Affaires étrangères, Intérieur, Justice, Finances, Défense) se sont ajoutés, pêle-mêle : Affaires sociales et Santé publique ; Pensions ; Budget ; Fonction publique ; Asile-Migration ; Personnes handicapées, etc. Des appellations se sont policées, au gré des circonstances : la Guerre a passé le témoin à la Défense ; l’Industrie et le Travail ont cédé le relais à l’Emploi ; le ministre des Colonies s’est reconverti dans la Coopération au développement.

Le chef du gouvernement a gagné ses galons de Premier ministre depuis novembre 1918. Di Rupo s’investit pleinement dans la fonction. Veiller à l’entente entre six partenaires de coalition exige une attention de tous les instants. Tout est devenu affaire d’équilibre linguistique rigoureux : six ministres néerlandophones, six francophones et le Premier asexué linguistiquement. Tout est aussi question de subtil dosage politique : chaque parti a droit à ses chefs de file, les vice-Premiers ministres, spécimen inconnu à la rue de la Loi en 1914.

Plus personne n’est honteusement ignoré : Di Rupo I compte cinq femmes ministres. En revanche, le Roi ne s’aventure plus depuis longtemps en conseil des ministres. Albert II a fait une brève exception le 3 juillet dernier, pour informer ses ministres qu’il tirait sa révérence.

En 1914, aucun ministre à vocation sociale ou environnementale

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