Les médecins se contredisent

Quel est l’état de santé de la milliardaire ? Secret médical ou pas, ses praticiens ont répondu aux enquêteurs. Le Vif/L’Express a lu leurs déclarations au moment oùl’héritière de L’Oréal envisage de porter plainte contre sa fille pour harcèlement.

Liliane Bettencourt a-t-elle été victime, comme sa fille Françoise le soutient, d’un abus de faiblesse ? Au c£ur d’un dossier désormais brouillé par de multiples ramifications politico-fiscales, la question essentielle, résumée brutalement, est la suivante : l’octogénaire avait-elle toute sa tête quand elle a prodigué, ces dernières années, cadeaux et donations à son ami le photographe François-Marie Banier ?

Ses (nombreux) médecins (voir l’encadré) sont les mieux placés pour se prononcer. S’ils se réfugient aujourd’hui derrière le secret médical, ils étaient beaucoup plus bavards en 2008, face aux enquêteurs de la brigade financière, comme le révèlent les procès-verbaux que Le Vif/L’Express a pu consulter.

Pourtant, au fil des auditions, les policiers ont bien du mal à se forger une opinion sur l’état de santé mental de la femme la plus riche de France, qui fêtera ses 88 ans dans quelques jours. Et pour cause : les opinions des praticiens divergent.

Pour le Dr Louis Ruhlmann, son rhumatologue, elle est en pleine forme : depuis 2000, selon lui,  » [son état de santé] est stable et très solide sur le plan psychologique « . Un point de vue largement partagé par le Dr Frédéric Le Roy, acupuncteur. Le praticien, qui se rend trois fois par semaine au domicile de la milliardaire, à Neuilly-sur-Seine, n’a pas constaté de  » problèmes particuliers « .  » Il est possible que Mme Bettencourt ait parfois des problèmes de mémoire, mais qui sont uniquement liés à son âge, tempère-t-il. Il m’apparaît difficile de considérer que ces troubles de la mémoire soient liés à une quelconque pathologie.  » Pour le Dr Xavier Monnet, qui a accompagné la vieille dame une dizaine de fois sur l’île d’Arros, aux Seychelles, RAS également, hormis une mémoire parfois défaillante :  » Je n’ai pas constaté ces derniers temps de troubles particuliers de son jugement ou de ses capacités cognitives. « 

Quant au Pr Gilles Brücker, même s’il se défend d’être intervenu en tant que praticien (voir l’interview page 68) auprès de Liliane Bettencourt, il exprime un avis tranché :  » Pour moi et sans ambiguïté, elle ne présente aucune défaillance à caractère neurologique, affirme-t-il. J’ajoute que je n’ai eu connaissance de conclusion d’aucun neurologue indiquant la nécessité d’une prise en charge dans ce domaine. « 

 » Des examens complémentaires jamais réalisés « 

Devant les enquêteurs, le Dr Michel Kalafat, neurologue, contredit son éminent confrère.  » L’état de santé de Mme Bettencourt nécessite un traitement neurologique « , leur déclare-t-il en janvier 2008. C’est lui qui, le 14 décembre 2007, a établi un  » certificat en vue de l’ouverture d’une curatelle « , remis à sa fille, Françoise Meyers-Bettencourt. Trois jours plus tôt, il a examiné l’héritière de L’Oréal  » pendant environ trente minutes « . Les  » constatations relatives à des anomalies neurologiques  » qu’il a effectuées au cours de cet entretien, ainsi que  » des clichés d’IRM réalisés en 2007 et qui sont anormaux  » ont étayé sa conviction :  » La mise en place d’une mesure de protection est nécessaire « , tranche-t-il.

Cette IRM au c£ur de la controverse a été réalisée en juin 2007 à l’Hôpital américain de Neuilly, à la demande du Dr Philippe Koskas, le médecin traitant de Liliane Bettencourt. Celle-ci avait été hospitalisée début septembre 2006 au sein du même établissement, dans un état comateux provoqué par un surdosage médicamenteux, à la suite d’une chute. Un scanner a révélé  » une possible anomalie  » justifiant des examens complémentaires,  » en particulier une IRM « , précise le Dr Bertrand Pertuiset, neurologue, aux policiers. A partir de là, c’est la cacophonie.

 » Sa récupération était complète [à] au bout de quarante-huit heures, assure le Pr Brücker. Elle a gardé une fatigue et des douleurs, mais qui n’altéraient en rien ses fonctions cérébrales.  » Le Dr Koskas pense exactement l’inverse :  » La persistance de troubles de la mémoire m’a fait demander des examens complémentaires, notamment une IRM et des tests MMS [NDLR : le Mini Mental State, pratiqué pour détecter une éventuelle démence], raconte-t-il aux enquêteurs. L’IRM a montré une hypertrophie des noyaux hippocampiques et une dilatation ventriculaire importante [à] [Ces anomalies] pouvaient expliquer les troubles de la mémoire et ces épisodes de désorientation qu’elle avait présentés. [Elles] nécessitent des examens complémentaires. « 

Des examens qui, à sa connaissance, n’ont jamais été réalisés. Quant à l’IRM de la discorde, elle a mystérieusement disparuà

Anne Vidalie

L’irm de la discorde a disparu… mystère

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