Les lettres, mais pas les chiffres

Une brique. Pas moins de 500 pages pour dire l’essentiel. Un travail minutieux qui a demandé du souffle et de l’énergie. Et qui, cerise sur le gâteau, a le mérite de plaire à toutes les branches de l’olivier. PS, CDH et Ecolo n’y reconnaissent-ils pas tous au moins 80 % de leurs programmes électoraux ? Copié-collé ? Qui sait ? Mais une brique fait-elle un bon projet gouvernemental ? Telle est la question.

Bien sûr, il y a de l’audace dans cette bible un peu indigeste à la lecture, mais aux chapitres interpellants . De l’espoir, une vraie volonté d’entrer de plain-pied dans une société et une économie du futur. Des pistes intéressantes . Le plan Marshall 2. Vert et son sixième pôle de compétitivité séduisent. Tout aussi innovantes, les mesures avancées pour soutenir la construction, les indépendants et les PME, les services de proximité, la solidarité, l’aide aux personnes… Le développement durable dont la Wallonie devrait devenir  » le fer de lance aux niveaux européen et mondial  » (sic).

 » Il faut un minimum de confort pour pratiquer la vertu « , rappelait Paul Morand. Et de confort, tant la Wallonie que Bruxelles en manquent cruellement. Les projets s’empilent, mais la bourse est plate. Les projections imaginaires de l’olivier ne reposeraient-elles que sur des équilibres financiers funambulesques ? On a beau tourner et retourner les pages du vaste pensum, pas la moindre trace d’un budget arrêté, la plus petite esquisse de montants fermes et définitifs. Pour se donner les moyens de ses ambitions, dans quels secteurs l’olivier va-t-il sabrer ? Quelle hiérarchisation des dépenses ? Quelles priorités ? Quels choix, quels arbitrages alors que les nouveaux ministres sont sur les starting-blocks pour appliquer avec zèle leurs feuilles de route perso.  » C’est un peu comme si, au jeu Des chiffres et des lettres, il y avait les lettres, mais pas les chiffres « , souligne Vincent Reuter, l’administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises dans les colonnes de votre magazine cette semaine. Plus d’idées que de moyens ? L’affaire ne fait aucun doute et c’est bien le plus inquiétant.

Car des sous, il faudra bien en trouver. Et les regards de se tourner inévitablement vers le fédéral. Oui, mais à tous les niveaux de pouvoir, c’est la même chanson : récession, chômage, augmentation de la dette publique…  » Nous ne passerons pas entre les gouttes, il faut prendre le taureau par les cornes « , recommande le professeur d’économie Robert Deschamps interrogé par Le Vif/L’Express. Or l’olivier a placé le retour à l’équilibre budgétaire bien loin : 2015, 2017… oui, pour autant que le fédéral, totalement désargenté, passe, lui aussi, à la caisse.

Un timing qui a le don d’irriter au plus haut point la Flandre, elle qui s’est dotée d’un gouvernement managérial prêt à en découdre avec la crise. Retour à l’équilibre budgétaire pour 2011, puis desserrement progressif de la ceinture pour réaliser les projets prévus.  » Du sang, de la sueur et des larmes  » ? Pas vraiment. Mais une conception radicalement opposée à la vision des politiciens du Sud. Le Nord géré comme une entreprise, tandis que la Wallonie et Bruxelles s’enfoncent dans le déficit ?  » Gare à la radicalisation flamande « , prévient Luc De Bruyckere, président du Voka (patronat flamand). L’heure enfin venue, pour la N-VA, avec la complicité du CD&V et du SP.A, d’une vaste réforme de l’Etat en échange des deniers indispensables au déploiement wallon et bruxellois. Bye-bye, la Belgique de papa !

Il faut prendre le taureau par les cornes

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