Les Juges intègres sont-ils désintégrés ?

Deux chercheurs font le point sur le vol commis à Gand, il y a juste septante-cinq ans, d’un volet de L’Agneau mystique, le chef-d’ouvre des frères Van Eyck.

Mon agneau, où est mon agneau ?  » Le chanoine en pleurs qui, au matin du 11 avril 1934, constate la disparition des Juges intègres et de son avers, la grisaille de Saint Jean-Baptiste, a du mal à cacher sa douleur : somptueux polyptyque des frères Van Eyck, L’Agneau mystique, achevé en 1432, vient d’être amputé de deux de ses 24 panneaux… La nouvelle se répand comme une traînée de poudre, provoquant un  » tourisme de catastrophe  » avant la lettre : des milliers de curieux se pressent dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand. Inutile de chercher encore, après le passage d’une telle foule, une empreinte quelconque des malfaiteurs… Trois quarts de siècle plus tard, ces derniers n’ont toujours pas été formellement identifiés, mis à part le rédacteur (décédé) des quatorze demandes écrites de rançon, que les fanas d’énigmes policières ont retournées en tout sens, en quête d’indices permettant de révéler la planque des Juges… pour autant qu’ils n’aient pas été détruits entre-temps. Le récit des enquêtes (surtout privées) menées par plusieurs générations de chasseurs de trésors ne manque pas de piquant : lieutenant allemand, policiers à la retraite, ésotéristes, radiesthésistes, webmasters se sont tour à tour penchés sur le mystère, pour  » localiser  » la peinture tantôt dans une église, tantôt dans la forêt de Soignes, le toit de la Bourse ou la crypte royale de Laeken… avant de faire chaque fois chou blanc. André Van der Elst et Michel de Bom, deux passionnés de l’affaire, livrent un compte rendu tellement fouillé des possibles mobiles du vol, de ses innombrables suspects et fausses pistes, qu’il en devient un peu répétitif. Mais leur thèse, dévoilée en toute fin de l’ouvrage, tient la route. Pour ne pas gâcher le suspense, en voici un seul élément : selon les auteurs, un scandale financier empêcherait l’évêché gantois de révéler que les Juges reposent probablement au palais épiscopal… et en bon état !

Le Vol de l’Agneau mystique . L’histoire d’une incroyable énigme, par André Van der Elst et Michel de Bom, Jourdan éditeur, 382 p.

Valérie Colin

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