Les inconnues du plan Paulson

Indispensable, le sauvetage des banques américaines ne règle pas tout. Tant s’en faut. La crise est désormais bien installée.

De notre correspondant

Le 3 octobre, tandis que les voix des élus du Congrès en faveur du sauvetage de Wall Street s’additionnaient sur les écrans de télévision, la courbe du Dow Jones, elle, reprenait sa chute. La Bourse américaine, après avoir anticipé le retour à la raison des institutions et l’accord nécessaire du plan de 700 milliards de dollars concocté par le secrétaire au Trésor, Henry Paulson, demeurait sceptique. A juste titre.

En septembre, les employeurs américains ont encore supprimé quelque 159 000 postes, confirmant la pire dégradation de l’emploi depuis 2003. Au total, 760 000 emplois ont disparu depuis janvier dernier. Le taux de chômage s’établit à 6,1 %, et pourrait atteindre 7 % avant le deuxième trimestre de 2009. Un chiffre qui, avant même la débâcle financière, reflétait les anticipations désastreuses des entreprises quant à la consommation des ménages, principal moteur de l’économie, et la contraction du crédit.

Selon les analystes de Moody’s Economy.com, deux tiers des grands centres urbains américains connaissent désormais un ralentissement assimilable à une récession. Et ni la promesse d’un rachat par l’Etat des titres  » toxiques  » détenus par les institutions financières ni celle d’une baisse des taux par la Réserve fédérale ne parviennent à calmer la paranoïa des banques.

Arnold Schwarzenegger, gouverneur de Californie, Etat dont le PIB est comparable à celui de la France, demande l’aide de Washington, faute d’avoir pu obtenir une ligne de crédit de 7 milliards de dollars pour pouvoir assurer notamment le bon fonctionnement d’un millier d’écoles. De son côté, le Massachusetts a dû reporter l’émission d’un emprunt public de 750 millions. Que dire des citoyens lambda ? Des informations, pour l’instant éparses et anecdotiques, confirment l’arrêt, par les organismes prêteurs, des taux promotionnels de 0 % pendant un an sur les achats par carte de crédit, et la hausse usuraire des taux pour les clients les moins solvables.

En attendant la relance…

Mais l’inconnue principale reste le sort du marché immobilier, qui a baissé de plus de 20 % depuis son apogée de 2006. Le prix des logements, clef d’évaluation, par les ménages, de leur santé économique et de leur capacité d’emprunt ou de consommation future, est toujours tiré vers le bas par des invendus qui ne se résorberont pas avant plusieurs mois et par la nouvelle aversion des banques pour le risque.  » L’éclatement de la bulle immobilière a des conséquences profondes, assure Robert Reich, ancien secrétaire au Travail de Bill Clinton. Elle marque la fin de la capacité d’emprunt des ménages, dont les revenus et le pouvoir d’achat réel, en baisse constante, ne peuvent à eux seuls soutenir la consommation. Nous cueillons maintenant les fruits amers des inégalités sociales et de la concentration de la richesse nationale entre les mains d’une minorité d’Américains. « 

En attendant une éventuelle politique de relance par la demande et une nouvelle politique fiscale plus favorable à la  » classe moyenne « , l’Amérique n’a d’yeux, pour l’instant, que pour Henry Paulson, mué en véritable substitut du président des Etats-Unis et en symbole de la sagesse de l’exécutif. Il lui reste, dans une opération d’une complexité effarante, à racheter, au-delà des millions de titres qui stagnent sur le marché, les fautes et les illusions d’une ère délirante et laxiste bien révolue.

Philippe Coste

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