Les idées simples de Rudy Aernoudt

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Le fondateur de LiDé (0,4 % d’intentions de vote) a présenté les  » priorités électorales  » de son parti. Elles sont  » simples « , explique-t-il,  » c’est du bons sens « . Mais elles ne passeront pas, car personne, au MR, partenaire désigné, ne voudra admettre la limitation dans le temps des allocations de chômage. Sauf que ce n’est pas là l’enjeu des régionales. Des pions placés pour les fédérales de 2011 ?

Au bout de la matinée, le brouillard est resté prisonnier des branches dégoulinantes des hauts hêtres de la drève du château de Wanfercée-Baulet (Fleurus), près de Charleroi. Les presque trois heures de discours et la succession des orateurs n’ont pas permis d’y voir plus clair : LiDé, pour Libéral Démocrate, vient de présenter, en ce samedi 7 février 2009, son programme électoral pour les élections régionales du 7 juin prochain, mais on ne sait toujours pas si le parti de Rudy Aernoudt se présentera devant l’électeur ou s’il se diluera dans le MR.

Ce qui est lumineux par contre, c’est que Rudy Aernoudt a réussi un coup de maître, et a piégé le parti de Didier Reynders, qui, en quête d’un partenaire honorable (les Verts, a-t-on appris depuis), ne s’est pas méfié de sa droite, pensant au contraire récupérer sans coup férir l’un ou l’autre électeur de Daniel Féret, patron déchu du FN.

Jamais, s’il avait directement frappé à la porte du MR, Rudy Aernoudt, qui connaît bien la place puisqu’il a été chef de cab (adjoint) de Serge Kubla entre 2001 et 2003, n’aurait bénéficié d’autant d’attention qu’aujourd’hui. Depuis des mois, il se montre avec délectation en compagnie des pointures du MR, resto par-ci avec Reynders, réception par-là chez Kubla, quelques écritures avec Destexhe… C’est sûr, c’est lui qui mène le bal, qui mouille les réformateurs, qui se rendent compte qu’ils se sont fait avoir, mais c’est trop tard.

Pas de relais en Wallonie

Aujourd’hui, Aernoudt s’est rendu incontournable. Plus possible de faire demi-tour, alors le MR joue la montre, temporise, explique que, certes, il y a des convergences… Il sait pertinemment que Aernoudt le Flamand n’a pas trop de relais en Wallonie (un sondage ne le crédite que de 0,4 % d’intentions de vote), qu’il court parce que, à neuf mois du scrutin, il n’est pas parti à temps. On espère alors qu’il va s’essouffler, qu’il n’aura pas les moyens de constituer des équipes dans les 14 arrondissements wallons, à Bruxelles et pour l’Europe, qu’il n’ aura pas denuméro national, que savisibilité en sera amoindrie, ses appétits diminués et qu’il sera prêt à dire merci si le grand parti bleu entrebâille la porte de service.

Ce n’est pas le scénario d’Aernoudt. Pour lui, c’est perron et porte à double vantail, sinon rien. Mais il bluffe, prétend garder des contacts avec d’autres (qui démentent), pour finir par dire, samedi dernier au premier congrès de son parti, que le MR, comme le disait Churchill de la démocratie,  » ce n’est pas génial, mais c’est le moins pire « .

Après, ce sera trop tard

L’ancien secrétaire général du département Economie, Science et Innovation de l’administration flamande, remet la pression sur les réformateurs :  » Ou bien il y a une alliance dans les toutes prochaines semaines, ou bien LiDé va seul. Et si LiDé va seul, il reste seul ensuite. Entrer dans une coalition après les élections peut-être, mais pour une vraie alliance, ce sera trop tard. « 

Tout cela n’est pas du cinéma, assure-t-il avec force : rien n’a été signé entre LiDé et le MR.  » Bien sûr, je parle avec Didier, explique-t-il, mais LiDé a un programme en dix points, à prendre ou à laisser. Si le MR prend toutes nos idées, ça marche. S’il veut chipoter, c’est non. A mon avis, les chances sont 50/50. « 

Telles qu’elles sont formulées, ces dix priorités ne peuvent toutes être adoptées par le MR, les réactions déjà enregistrées dans ses rangs l’attestent. Si le parti, moyennant quelques accommodements, peut se satisfaire du programme LiDé pour l’enseignement, la fiscalité, la stimulation du goût d’entreprendre, le dégraissage de l’administration ou la lutte contre la corruption, la réforme de l’Etat à la sauce Aernoudt ne passera pas, et encore moins, à quatre mois des élections, la limitation dans le temps des allocations de chômage.

Bien embêté, le MR, face à ce nouveau parti qu’il a lui-même contribué à rendre encombrant, auquel il a permis de créer de toutes pièces un suspense non fondé mais si bien médiatisé. Une vitrine éclairée en outre par les réactions des autres partis, qui cherchent à diaboliser le  » populiste «  flamand. C’est ce qu’il cherchait.

LiDé ne pourrait pas se dissoudre dans le MR sans y laisser des traces profondes. Mais la vieille rage du président à vouloir, enfin, dépasser les socialistes, à vouloir, coûte que coûte, faire basculer le centre de gravité en Wallonie lui interdit de se passer de son électorat le plus radical, du retour espéré d’égarés de l’extrême droite, et de l’appui des votes protestataires dont hérite généralement l’opposition sortante.

Michel Delwiche

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