Les francophones peuvent avoir peur

Bart De Wever, président de la N-VA, ne recevra plus de menaces de mort de francophones. C’est le seul élément positif du dernier rebondissement de la crise belge. Pour le reste, il faut être inconscient pour trinquer à la fin du cartel CD&V/N-VA. D’ailleurs, les responsables politiques francophones ont adopté un profil bas. Cette attitude sage intervient un peu tard. Car, le 19 septembre, Didier Reynders, président du MR, a raté une occasion de se taire. Alors que les trois médiateurs royaux avaient redoublé de prudence pour coucher sur le papier de difficiles compromis amorçant un dialogue institutionnel, il était intempestif de rappeler qu’il faudra  » parallèlement  » trouver  » une solution négociée  » pour Bruxelles-Hal-Vilvorde, la problématique bruxelloise, la question de l’élargissement de la capitale, etc.

Mais, même auparavant, on n’a pas très bien compris pourquoi les francophones aimaient tant répéter que la N-VA n’avait rien d’incontournable. C’était inutilement blessant. On le constate aujourd’hui en craignant les conséquences d’une triple vexation.

1. Le plus grand parti de Flandre est bredouille : en quinze mois, le CD&V n’a réalisé aucune de ses promesses. Pas de grande réforme de l’Etat, pas de scission de BHV. Avec ses 34 députés à la Chambre, la famille qu’il forme avec le CDH ne fait plus le poids face à la famille libérale (41 sièges).

2. Le gouvernement d’Yves Leterme (CD&V) n’a plus de majorité au sein du groupe linguistique flamand à la Chambre : 42 députés flamands, pour 53 francophones. Ce déséquilibre ne fera qu’alimenter le ressentiment des flamingants qui dénoncent une Belgique dirigée par une minorité francophone : une Belgique contre la Flandre !

3. La crise fédérale a déstabilisé le gouvernement flamand : ce dernier a perdu son unanimité, avec le départ forcé de son ministre N-VA ; et son président, Kris Peeters (CD&V), est ébranlé.

On ne voit que trop bien qui va payer ces humiliations. Les francophones qui claironnaient, voici un an, qu’ils n’étaient demandeurs de rien montrent aujourd’hui une satisfaction étonnante à vouloir entamer un dialogue Nord-Sud. C’est d’autant moins une victoire que le CD&V risque d’être plus intransigeant que jamais. Il n’acceptera pas de perdre encore un peu plus de militants tentés d’aller rejoindre la N-VA ou d’autres formations nationalistes. Car le choix ne manque pas, dans le nord du pays. La droite flamingante (Vlaams Belang, N-VA, Lijst Dedecker) totalise déjà près d’un tiers des sièges flamands à la Chambre. Elle a toutes les chances de progresser encore significativement lors du prochain scrutin régional en juin 2009. Les Flamands ont peur pour leurs pensions, pour leur économie (lire en page18) : ces craintes alimentent leurs revendications. Une grande réforme de l’Etat est, à leurs yeux, broodnodig, vitale comme le pain. Or chaque jour qui passe accroît leur désir d’autonomie. Ce qui appauvrit d’autant les francophones : davantage d’autonomie pour la Flandre se traduira toujours par moins d’argent pour les Wallons et les Bruxellois. l

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