Les Flamands sont un peuple raffiné

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Ainsi que mon nom l’indique, je suis d’origine flamande. Pendant mon enfance et mon adolescence, ma grand-mère ne comprenant pas le français, on parlait ce savoureux patois bruxellois à la maison. C’est dire que mes racines, comme celles de nombreux Belges, sont bilingues. J’éprouve une grande tendresse vis-à-vis de ce peuple bourré de qualités. De l’humour à revendre ; du courage lorsqu’il s’agissait de faire front ; de la solidarité dans le malheur ; un esprit pratique qui permettait de s’adapter aux situations extrêmes et un bon sens qui relativisait beaucoup de choses. Au contraire du Wallon qui avait tendance à compliquer, le Flamand simplifiait sa vie (et c’était la clé de son bonheur). Laissons de côté les dérives collaboratrices du Nord et du Sud ; ce furent des exceptions qu’il serait temps d’oublier. Dans l’ensemble, les Belges, et les Flamands en particulier, furent bien parmi les peuples les plus courageux de la Gaule.

Si on enseignait encore l’histoire de Belgique, nos jeunes en apprendraient long sur les spécificités de nos deux communautés qui durent s’unir contre des prédateurs étrangers, plier sans jamais rompre, ils découvriraient avec étonnement les liens qu’elles ont tissés depuis deux mille ans. Nos jeunes prendraient conscience avec fierté des splendeurs de notre civilisation dont nos villes, nos musées, nos bibliothèques témoignent encore aujourd’hui. Au collège, il était de bon ton de chahuter les professeurs de néerlandais. Je me souviens de Pietje qui enseignait la langue de Vondel dans les trois dernières années. C’est lui qui m’a fait découvrir l’autre facette du peuple flamand sitôt qu’il évoquait avec lyrisme Streuvels, Ernest Claes, Guido Gezelle. Il nous introduisait dans la dimension mystique du peuple flamand qui, depuis Zuster Hadewijk et les béguinages, révèle l’autre versant de son identité : un manque, qu’il cache sous des dehors anodins, une tristesse de n’être que ce qu’il est et qui fut la source de tant de chefs-d’£uvre.

Ce mélange de réalisme et de profondeur est le propre de l’âme flamande. J’ai lu et relu De Witte, les poèmes de Guido Gezelle, Stijn Streuvels, Felix Timmermans ; quant aux auteurs qui écrivaient en français avec une âme flamande comme Verhaeren, Rodenbach, Maeterlinck, je les ai adorés parce que je sentais qu’ils mettaient en syntaxe la grande souffrance d’être homme au c£ur d’une nature si tristement belle qu’illustraient notamment les peintres de l’école de Laethem-Saint-Martin. Quoi qu’on en dise, sous des dehors simples, les Flamands sont un peuple raffiné comme l’était et l’est toujours le peuple allemand. Autant je n’ai toujours pas compris pourquoi ce dernier a adhéré si longtemps au régime le plus détestable de l’histoire, autant, sans faire d’amalgame, je ne comprends pas pourquoi 40 % de Flamands votent pour un Bart De Wever, populiste, démagogue, sans humour, autoritaire qui s’exprime à coups de slogans haineux et n’a pas encore prouvé qu’il était capable de gouverner. Il a toujours raison. Si on le contre, il est victime d’un complot. Langage classique de ceux qui exerceront un pouvoir absolu s’ils l’obtiennent. J’ai été effrayé par la mise en scène de dimanche soir (et je n’ai pu m’empêcher de songer à Nuremberg). […]

WILLY DEWEERT, ÉCRIVAIN, PAR COURRIEL

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