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Les couples nés sur Internet sont-ils plus solides ?

Le Vif

L’amoureux moderne « swipe », « like », « matche ». Et pas forcément pour le pire.

Consumérisme sexuel, phobie de l’engagement, sites et applications de rencontres souffrent encore de quelques clichés. Alors que la moitié des unions finissent par un divorce, vont-ils au contraire sauver l’institution du mariage ? Aux Etats-Unis, des études ont récemment établi que la question n’est pas si absurde qu’il n’y paraît. En 2013, des chercheurs de l’université de Chicago calculaient qu’un tiers des mariages américains célébrés entre 2005 et 2012 avaient débuté en ligne. Et suggéraient que le taux de séparations ou de divorces y était inférieur de 25 %.

Raison avancée : avec les échanges écrits, on élucide les malentendus sur sa personnalité et ses désirs.  » Même avant #MeToo, Internet a été une réponse à la glaciation des rapports de genre, vous pouvez contacter n’importe qui, protégé derrière votre écran « , confirme Pascal Lardellier, professeur à l’université de Bourgogne.

Florence Boudon est assistante de rencontres 2.0. Elle crée des  » profils performants  » pour ses clients,  » incapables d’aborder une femme dans la rue « . De manière quasi anonyme,  » on passe vite dans l’intime, on dépose les armes « . Un atout pour s’assurer  » de valeurs et d’attentes communes « .

Les mariages initiés en ligne seraient moins susceptibles de se briser la première année, les utilisateurs s’ouvrant à des partenaires qu’ils auraient négligés dans  » la vraie vie « . Résultat, leur compatibilité serait meilleure. Pour preuve, la création de Meetic correspondrait à une hausse des unions mixtes.

 » C’est vrai pour les relations éphémères, moins pour les relations durables, où les gens continuent de chercher quelqu’un qui leur ressemble « , tempère Olivier Zerbib, sociologue. Pour les y aider, les algorithmes n’ont jamais été aussi performants. Et chaque tribu (diplômés, végans, catholiques, musulmans, etc.) a désormais son réseau. Objectif de cette segmentation : reproduire un entre-soi pour s’assurer d’unions fructueuses. Orthographe, présentation de soi et codes culturels sont, eux, déterminants. L’homogamie persiste, comme l’a montré Marie Bergström.

Rencontres numériques

En 2016, une enquête de cette sociologue de l’Institut national d’études démographiques (Ined) en France a montré que parmi les couples français formés entre 2005 et 2013, moins d’un sur dix s’était rencontré sur Internet – un sur trois pour les couples homosexuels. Pour trouver un conjoint, les sites n’arrivent qu’en cinquième position, derrière les classiques lieu de travail ou soirées entre amis. Ces rencontres numériques sont une deuxième chance pour les personnes séparées ou divorcées : 10 % des secondes unions naissent sur la Toile, 5 % des premières. Dans Les Nouvelles Lois de l’amour (La Découverte, 2019, 228 p.), Marie Bergström décrypte :  » Avec l’âge, la désinvolture des jeunes, qui s’amusent à flirter en ligne, s’efface progressivement au profit d’un projet conjugal plus net.  »

En se déroulant loin du regard de l’entourage, ces rencontres sont surtout devenues une affaire très privée.  » La dimension individualisante de la démarche favorise une solidité des unions, le jugement des proches intervient alors que le couple est déjà constitué « , avance Nathalie Nadaud-Albertini, sociologue. L’amour éternel reste en tout cas un solide argument marketing.

Par Anna Benjamin.

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