Les cloches sont passées!

Le gouvernement de Guy Verhofstadt a bouclé le contrôle budgétaire: les corrections apportées au budget de l’Etat pour 2002 seront indolores. Mieux: il a décidé de réduire l’impôt des sociétés. Cet allégement ne devrait, en principe, ne rien coûter au trésor public. En principe…

En début de semaine, la coalition arc-en-ciel a adopté un nouvel arsenal de décisions budgétaires et fiscales. C’est probablement la dernière grande oeuvre du gouvernement d’ici aux prochaines élections législatives, en juin 2003. Premier volet: le contrôle budgétaire. Malgré le ralentissement de la croissance, le budget de l’Etat devrait tenir son cap. Deuxième volet: la réforme de l’impôt des sociétés (Isoc), qui parachève la réforme fiscale entamée, au début de la législature, portant essentiellement sur la réforme de l’impôt des personnes physiques. Le tout sur fond de crispations politiques. Explications.

1. La Belgique clôturera l’année 2002 avec un budget en équilibre. Ce devrait, en effet, être le cas, et ce pour la troisième année consécutive. Le gouvernement de Guy Verhofstadt s’était, pourtant, payé quelques petites frayeurs à ce propos. L’année passée, au moment d’établir le budget de l’Etat pour 2002, le gouvernement s’était basé sur une prévision de croissance de 1,3 %. Las! En raison du retournement conjoncturel, ce chiffre a été ramené à 0,9 %. Résultat? Des recettes fiscales en recul et des dépenses sociales en hausse. S’il était resté sans réaction, l’Etat belge risquait de finir l’année avec un déficit de quelque 500 millions d’euros. Cela aurait freiné le processus de réduction de la dette publique et porté un coup de canif dans le « contrat » passé avec les autorités financières européennes. Où a-t-on déniché des économies? Pour moitié, dans le budget de chaque département ministériel: la plupart des ministères devront se serrer la ceinture. L’évolution de leurs dépenses sera, en outre, soumise à une évaluation permanente. Le reste proviendra de la vente d’actifs et – antienne largement ressassée – d’une meilleure perception de l’impôt. Grâce à ces mesures de précaution, le gouvernement espère que la Belgique retrouvera rapidement la forme lorsque la croissance reprendra. Ce qui devrait se confirmer d’ici à quelques mois. Voilà pour ce qui est du premier volet – le contrôle budgétaire – des grandes décisions prises, par la coalition, en début de semaine.

2. Le taux global de la taxation des sociétés diminue. Il s’agit là du second volet – la réforme de l’impôt des sociétés – des travaux budgétaires et fiscaux qui viennent de se terminer. Un accord politique de principe avait déjà été conclu, en octobre 2001, sur la diminution de l’impôt des sociétés de 40,17 % à 33,99 %. Cette fois, le texte a été peaufiné et les différentes pistes, affinées. Une fameuse plume à accrocher au chapeau des libéraux: après avoir engrangé la réforme de l’impôt des personnes physiques (IPP) – avec, il faut le rappeler, le concours des socialistes et des écologistes -, le PRL et le VLD s’étaient juré de diminuer la pression fiscale sur les entreprises et, pour ce faire, de réformer l’impôt des sociétés (Isoc). Lequel est effectivement, chez nous, plus élevé que chez nos voisins, où il avoisine les 33 %. Un problème de taille, par conséquent, pour la compétitivité. Mission accomplie: à partir de janvier 2003 (il faut, en effet, encore rédiger les textes de loi), le taux de l’impôt des sociétés installées en Belgique rejoindra donc la moyenne européenne. L’allégement fiscal ne concernera pas uniquement les grandes sociétés. Les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficieront, elles aussi, d’une diminution du taux de l’impôt (le taux minimum de 28 % baissera à 24,9 %, tandis que le taux maximum de 39 % sera ramené à 33,9 %). Conjugué avec d’autres mesures d’aide aux entreprises (notamment aux jeunes entreprises), le coût global de ce coup de pouce aux patrons – et à l’emploi? – est évalué à 1,2 milliard d’euros.

3. L’opération ne devrait rien coûter au trésor public. Ce principe était, en effet, un préalable politique, en tout cas aux yeux des socialistes et des écologistes. Le gouvernement a, donc, prévu une série de mesures – très techniques – de compensation. Citons, en vrac, la modification des règles en matière d’amortissement des investissements, la chasse à la déduction des revenus définitivement taxés (RDT), l’instauration d’un précompte mobilier sur les « bonis de liquidation », la suppression de la déductibilité de certains impôts régionaux et la chasse aux fausses associations sans but lucratif (ASBL). L’ensemble de ces mesures compensatoires devrait, logiquement, rapporter 1,2 milliard d’euros.

4. Cet accord n’a pas été engrangé sans mal. Les Verts, en particulier, ont eu quelques difficultés à avaler la pilule. C’est en raison de leurs réticences, ainsi que de la volonté socialiste d’obtenir des garanties sur la réalité des compensations, que les Excellences n’ont levé la séance qu’à cinq heures et demie, le lundi 25 mars, à l’issue d’un marathon de dix-huit heures. Finalement, constatant son isolement face aux « familles » socialiste et libérale (res)soudées, la vice-Première ministre Isabelle Durant a avalisé l’accord au Conseil des ministres de lundi midi. Après avoir obtenu le feu vert du secrétariat fédéral d’Ecolo. Les raisons des hésitations écologistes? D’abord, les incertitudes – fondées, si l’on en croit certains experts – qui continuent de planer sur la neutralité de la réforme de l’Isoc. « La moitié des mesures de compensation sont du « bidon » », résume un fonctionnaire du ministère des Finances. Glurp! Autre motif d’insatisfaction, pour les Verts: parmi les mesures compensatoires, figure notamment une modification des règles d’amortissement des investissements. Lesquelles, estime-t-on chez Ecolo, risquent de pénaliser davantage les entreprises wallonnes que flamandes.

Mais les Verts ont calé, aussi – surtout -, en raison du revirement de leurs partenaires à propos de la diminution de la déductibilité fiscale des voitures de société. Cette piste, qui avait pourtant été avancée par le ministre des Finances, Didier Reynders, en octobre dernier, a tout d’abord vu sa portée considérablement réduite dans l’épure de la nouvelle copie. Avant d’être définitivement balayée d’un revers de main énergique par Louis Michel, le vice-Premier ministre libéral. Le chef de file « réformateur » du gouvernement a, en effet, virilement fait savoir qu’il n’était plus question, pour les libéraux, de prendre la moindre mesure impopulaire à l’égard de leur électorat, d’ici à la fin de la législature. Il est vrai que, mine de rien, l’échéance électorale se rapproche…

Isabelle Philippon

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