Les Belges ne sauteront pas sur Goma

Aucun pays européen ne veut envoyer de troupes au Congo. Et les Belges ne veulent pas y aller seuls.

On ne trouve pas 3 000 Casques bleus d’un claquement de doigts. En attendant de les recruter pour renforcer la mission de l’ONU au Congo (Monuc), qui passerait de 17 000 à 20 000 hommes, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, espérait qu’une force européenne pourrait  » faire la soudure  » pendant quatre à six mois. Le Kivu reste en ébullition suite à la rébellion lancée par le général déchu Laurent Nkunda, avec, à la clé, une nouvelle catastrophe humanitaire. Kinshasa était d’accord pour une opération européenne, au contraire de Nkunda. Mais les pays européens pressentis, Royaume-Uni, Pays-Bas et Allemagne, ne sont guère chauds pour intervenir. Les relations exécrables de la France avec Kigali la disqualifient. Du coup, les Belges s’abstiennent aussi, car ils n’ont pas les capacités de mener seuls une telle opération, bien plus risquée qu’en Afghanistan.  » A l’exception notable de la Belgique, les Etats européens démontrent tristement qu’ils ne veulent pas prendre de risques pour les Noirs et, globalement, pour des pays qui n’affectent pas leur sécurité « , juge le sénateur Georges Dallemagne (CDH), qui appelle à poursuivre l’idée d’une force européenne pour changer la donne sur le terrain,  » car 3 000 hommes de plus pour la Monuc, cela ne changera rien « .

En 1997, une commission sénatoriale d’enquête avait recommandé de ne plus envoyer des troupes belges en Afrique centrale, suite à la mort des dix Casques bleus au Rwanda en 1994. Aujourd’hui, les partis politiques se montrent prêts à revoir cette recommandation, même si les socialistes se montrent davantage réservés. Le colonel belge en retraite Luc Marchal, qui fut le n° 2 de la mission de l’ONU au Rwanda, estime également qu’  » il faut aller au Congo, afin de trouver une solution à la misère humaine qui perdure dans cette région depuis 1996 « . Sous chapeau Monuc ou Europe ?  » Dans le cadre de la Monuc, j’aurais des réserves « , dit-il sobrement, évoquant notamment le fait que les deux détachements principaux sur place, Indiens et Pakistanais, sont en lien permanent avec leurs capitales qui, en outre, se font la guerre :  » Tout cela me semble néfaste à une cohérence indispensable à la sécurité.  » En revanche,  » au sein d’une force européenne, la plupart des pays ont l’habitude de travailler ensemble. En outre, l’objectif sera clairement défini et les moyens mis à disposition pour remplir pleinement la mission.  » Enfin, au niveau belge,  » l’aspect opérationnel des unités a considérablement évolué, se réjouit-il. J’ai assisté voici dix jours à une séance chez les paracommandos, j’ai été impressionné par toutes les améliorations concernant l’équipement, l’entraînement et les techniques. « 

En attendant une improbable force européenne, la Belgique devrait confirmer sa contribution à la Monuc renforcée dans trois secteurs : le transport aérien, le renseignement et la formation de l’armée. Ce dernier point est crucial. A l’ONU, le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht a mis en évidence le  » piteux état  » de l’armée congolaise,  » mal préparée, structurée et commandée « , et qui, de plus, se tourne contre la population à défaut d’être proprement payée. Aussi a-t-il plaidé pour un rôle  » plus proéminent  » de la Monuc dans les opérations contre les groupes armés et contre le pillage des ressources qui les financent. Le nouveau mandat de la Monuc entrera en vigueur au début de 2009.

François Janne d’Othée

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