Les banquiers luxembourgeois traversent la tempête

Pour les Belges, le grand-duché de Luxembourg a longtemps fait figure de modèle en matière bancaire. Mais, aujourd’hui, l’image de l’industrie financière luxembourgeoise pâlit. La crise du crédit est passée par là…

Comme leurs concurrentes partout dans le monde, les banques du Grand-Duché subissent les effets de la crise financière.  » Mais ce sont surtout les problèmes que rencontrent leurs maisons mères qui affectent les institutions financières luxembourgeoises « , souligne l’avocat d’affaires Guy Harles, associé chez Arendt & Medernach, un cabinet qui travaille pour quelque 40 % des banques actives au Luxembourg.  » C’est une constante sur la place luxembourgeoise : les filiales qui y sont actives s’en sont toujours bien sorties, mais elles souffrent indirectement de la crise à cause des déboires de leurs sociétés faîtières.  » L’affaire Kaupthing, bien connue en Belgique, illustre justement cette situation. Etabli en Islande, ce groupe financier s’est trouvé à court de liquidités, ce qui a contraint l’Etat islandais à le nationaliser au début du mois d’octobre. Dans la foulée, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) du Grand-Duché a placé la filiale luxembourgeoise de la banque sous le régime du sursis de paiement. Or Kaupthing Bank opérait en Belgique par le biais d’une succursale dépendant directement de cette filiale grand-ducale. Depuis lors, les avoirs des clients belges sont gelés. Mais une solution est en vue : une autre banque devrait acquérir Kaupthing, ce qui assurerait la pérennité de ses activités à l’étranger. Vingt-quatre heures avant Kaupthing, deux autres filiales luxembourgeoises de banques islandaises étaient tombées sous le régime du sursis de paiement : la Landsbanki et la Glitnir Bank. Du jour au lendemain, les centaines d’employés n’ont plus pu entrer dans leurs bureaux. Du jamais-vu sur la place financière grand-ducale. Guy Harles relativise :  » Je suis confiant dans le scénario d’une reprise des activités luxembourgeoises de ces banques ; d’ailleurs, les actionnaires et le gouvernement n’ont pas dû solliciter des repreneurs : les offres sont spontanées. « 

300millards d’actifs en moins

Toujours est-il que l’industrie financière luxembourgeoise souffre, ce qui émeut tout le pays. Car, au Grand-Duché, le secteur financier joue un rôle majeur dans la création de richesses. Selon une étude de la CSSF publiée le 24 octobre 2008, l’industrie financière représente, avec plus de 16 milliards d’euros, 45 % du produit intérieur brut (PIB) grande-ducal.

Les banques, assurances et autres sociétés de gestion comptent en outre plus de 71 000 travailleurs : 21 % de l’emploi intérieur luxembourgeois. La crise financière touche donc de plein fouet le plus petit de nos pays voisins. Les chiffres les plus récents en témoignent. Les fonds de placement luxembourgeois, qui représentent plus de 40 % de la place financière grand-ducale, ont vu leurs actifs sous gestion régresser de quelque 2 000 milliards d’euros au début du printemps à 1 700 milliards d’euros aujourd’hui. Ici encore, Guy Harles se montre rassurant.  » La grande majorité de la baisse est due à la chute des marchés boursiers, précise l’avocat. Seuls 3 % de la valeur perdue correspond à des retraits des clients. « 

Bref, les banques luxembourgeoises plient mais, à l’exception des trois filiales islandaises, ne rompent pas.  » Je suis raisonnablement optimiste pour les institutions financières du pays « , résume Guy Harles.  » L’Union européenne a besoin d’une telle place « on-shore » bien réglementée qui soit à la pointe dans l’industrie financière. Certes, nous assistons à une tempête mondiale. Mais les banques du Grand-Duché, touchées indirectement, attendent que le calme revienne. Les premiers signes encourageants, comme la relance du marché interbancaire, apparaissent. « 

Chez les banquiers luxembourgeois, on craint davantage la réaction politique que la crise elle-même. Le retour de manivelle en matière réglementaire inquiète.  » Les banquiers ont peur que les hommes politiques n’adoptent, dans la hâte, des normes beaucoup plus sévères et restrictives que celles qui s’appliquent actuellement , ajoute Guy Harles. Ils espèrent que l’on conservera un minimum de flexibilité pour laisser jouer le privé.  » Mais les argentiers luxembourgeois savent qu’il faudra aussi un minimum de nouvelles règles pour éviter que le jeu ne redevienne dangereux.

Ph. G.

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