Les Américains (un peu fort) à notre écoute

Obama invente l’espionnage 2.0. Vrai ou faux ? FAUX. Les Etats-Unis ne font que s’adapter aux nouvelles technologies, comme tous les autres Etats. Ce qui est vrai, c’est que leurs moyens sont énormes.

Faudra-t-il bientôt tous se doter de téléphones et d’ordinateurs chiffrés, ce qui rendrait du coup les communications très complexes ? Depuis juin 2013, les documents subtilisés par l’informaticien Edward Snowden à la NSA (principale agence de renseignement américaine, où il était employé) mettent en lumière un dispositif étroit de surveillance des Etats-Unis sur les conversations téléphoniques, messages Facebook, comptes Skype, etc., dans le monde entier. Depuis le simple citoyen jusqu’aux ministres et chefs d’Etat, tous sont pris dans la Toile. Même la chancelière allemande Angela Merkel a été mise sur écoute. On est évidemment loin des faux plombiers qui, il y a tout juste quarante ans, avaient maladroitement tenté de placer des micros dans les bureaux du Canard Enchaîné. Place aujourd’hui aux programmes de surveillance de masse !

Faut-il s’en offusquer pour autant ? Chaque pays est doté de services de renseignement qui n’empruntent pas toujours les voies légales. Ensuite, l’espionnage utilise toujours les mêmes vieilles méthodes, dont celle des écoutes. Seule différence : la taille des ordinateurs US qui, désormais, captent, classent et analysent des milliards de données en quelques nanosecondes. C’est grave, docteur ?  » Ce scandale des écoutes, c’est du jamais-vu, répond au Vif/L’Express l’eurodéputé Guy Verhofstadt. Les Américains ont hacké tous les mails et messages Facebook qui sont partis vers l’Europe, et depuis l’Europe. Il ne s’agit donc pas simplement de quelques diplomates impliqués dans des activités d’espionnage.  » La protection de notre vie privée serait-elle devenue une illusion ?  » Nous devons recevoir une réponse là-dessus ! tonne l’ancien Premier ministre. L’annonce par Obama qu’il va réformer la NSA ne me rassure pas immédiatement.  »

Observée jusque dans ses recoins, l’Europe tente de trouver la parade.  » Le Parlement européen a pris ce problème très au sérieux, répond Verhofstadt. Nous avons par exemple demandé de suspendre l’accord Swift de 2010 (NDLR : qui donne accès aux Etats-Unis à des données bancaires européennes… qu’ils espionnaient auparavant) jusqu’à ce qu’on y voie plus clair. Nous avons également mis sur pied une commission d’enquête parlementaire. Mais le Parlement a malheureusement trop peu de pouvoir pour réussir à peser dans cette affaire. Quant aux Etats membres, ils ont réagi en ordre dispersé et de façon assez molle.  »

Et si cette riposte cachait une frustration européenne de ne pas disposer de la même technologie ?  » C’est plutôt le manque de levier qui nous frustre, répond Verhofstadt. En politique étrangère, nous parlons toujours à 28 voix. Sur le plan de la défense et du contre-espionnage, nos moyens sont éparpillés en autant d’Etats. Or, on pourrait faire tellement plus en les mettant en commun !  » De fait, cela dispenserait les Britanniques d’encore espionner Belgacom, comme l’a révélé Der Spiegel en septembre dernier…

Mais que vaut l’accumulation de données numériques, si l’esprit humain n’est pas là pour les décrypter ? Oui, les Etats-Unis ont une puissance technologique hors pair, mais leur capacité d’analyse a parfois du mal à suivre. Ainsi, les données stockées par la NSA atteindraient 27 téraoctets (soit 27 000 milliards d’octets), un volume tel qu’il  » surpasse notre capacité à digérer, traiter et stocker  » tout ce contenu, d’après un document interne de la NSA de 2012 cité par The Washington Post. Comment, après cela, distinguer ce qui est important de ce qui ne l’est pas, le vrai et le faux ? Rien ne vaut le terrain, finalement.

FRANÇOIS JANNE D’OTHÉE

Tout le monde est pris dans la Toile

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