Lernout & Hauspie

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Ceux qui, parmi les petits actionnaires de L & H, croyaient encore au ciel l’ont vu définitivement s’abattre sur leurs têtes, ce vendredi 27 avril. La veille, déjà, ils avaient appris l’arrestation et l’emprisonnement de trois anciens responsables de la société yproise, Jo Lernout, Pol Hauspie et Nico Willaert, inculpés pour faux en écritures, usages de faux et manipulation de cours. L’ancien directeur financier, Carl Dammekens, a également été placé sous mandat d’arrêt mais a été relâché.

Quelques heures plus tard, le nouvel administrateur délégué de l’entreprise flamande, spécialisée dans les technologies de reconnaissance vocale, leur assénait de nouvelles vérités, financières celles-là, et bien peu agréables à entendre. Philippe Bodson (photo) a, en effet, choisi de jouer franc jeu. Les chiffres dont il a fait état devant l’assemblée extraordinaire des actionnaires, imposée par le tribunal de commerce d’Ypres, n’ont guère laissé d’espoirs à ceux qui, au temps de sa splendeur, ont investi quelqu’argent dans l’entreprise. Ces chiffres donnent le vertige: la dette de L & H s’élève à plus de 24 milliards de francs. Le chiffre d’affaires des années 1998 et 1999 et 2000 a été gonflé artificiellement davantage encore que ne l’avait déjà révélé l’audit financier réalisé en novembre dernier. Au total, les ventes fictives ont atteint 377 millions de dollars (16,5 milliards de francs belges environ) depuis 1998 ! Pour le premier semestre 2000, le chiffre d’affaires réel de L & H ne devrait pas dépasser 44 millions de dollars, soit 88 % de moins qu’annoncé officiellement. Plusieurs actionnaires n’ont pas manqué de s’interroger sur l’aveuglement du réviseur KPMG, auquel toutes ces irrégularités ont longtemps échappé.

A côté de ces données financières, les constats humains ne sont guère plus roses: 1 500 employés, soit un quart du personnel, ont déjà quitté l’entreprise, emportant avec eux une partie de son savoir-faire et de ses connaissances technologiques. Enfin, les actifs de L & H, tous à vendre, ne trouvent pas preneurs à des conditions intéressantes. La conjoncture boursière malmène, en effet, les sociétés de technologie vocale, potentiellement intéressées. La filiale traduction de L & H, Mendez, se vendra d’ailleurs à un montant inférieur aux 160 millions de dollars espérés.

Au fond du gouffre, l’entreprise, qui faisait jadis la fierté de la Flandre, n’a plus guère de choix. Soit sa faillite est prononcée en juin au plus tard, c’est-à-dire à la fin du concordat judiciaire dont elle jouit pour l’instant. Soit ses créanciers, des banques en l’occurrence, assurent sa survie en acceptant de convertir leurs créances (16 milliards de francs environ) en actions d’une nouvelle société, qui reprendrait les actifs technologiques de L & H. L’idée est de Philippe Bodson. Celui-ci suggère que la nouvelle structure intègre les petits actionnaires lésés de l’entreprise yproise. « Les chances de réussir sont minces », a conclu l’actuel patron de L & H. Euphémisme…

Laurence van Ruymbeke

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