Nathanaël Gouin, virtuose aux mille facettes et au regard perçant. © CAROLINE DOUTRE

Leçon de piano

A presque 30 ans, le Français Nathanaël Gouin livre un disque bouleversant consacré à Liszt, avant un concert à Flagey, à Bruxelles. Portrait d’un jeune pianiste qui joue désormais dans la cour des grands.

Ce qui frappe d’emblée chez lui, c’est ce regard perçant et mystérieux qui, sans transition, laisse place à un sourire irrésistible d’une douceur évidente. Pianiste aux mille facettes, chambriste hors pair, Nathanaël Gouin a des antennes magiques qui savent capter l’âme de ses partenaires, et une espèce de sixième sens qui rend chez lui le partage musical profond, vibrant et généreux.

Comme souvent, son parcours hors du commun connaît des débuts précoces. Quand sa mère découvre la musique à 20 ans, elle se lance dans une boulimie passionnée. En quatre ans, elle apprendra la flûte, le piano, le contrepoint à un très haut niveau.  » Quand j’arrive au monde, elle n’a qu’une envie, c’est de tout me déballer. Elle y passe des heures, mon oreille se développe, j’improvise, je compose. Mon père, lui, est chanteur d’opéra : Domingo et Pavarotti résonnaient en boucle à la maison. La musique est ma langue maternelle, le piano était la porte d’entrée logique pour découvrir le répertoire du chant, iceberg du monde musical.  »

Enfant savant qui entretient un lien complètement intégral avec la musique, lecteur prima vista phénoménal capable de déchiffrer tout le répertoire avec un insatiable appétit, Nathanaël Gouin jouera également du violon jusqu’à 13 ans.  » J’ai fini par choisir le piano parce qu’apparemment je préférais rester assis ! Mais j’ai longtemps regretté le violon. Si on a un jour connu le fait de jouer avec un orchestre, d’être dans cette vague qui emporte, en symbiose avec les autres musiciens, c’est difficile de devenir pianiste, borné à étudier ses études de Chopin dans son coin. Mais j’ai réussi plus tard à trouver du plaisir dans cette solitude, je me suis aperçu que prendre des décisions seul, être en liberté totale, c’est un monde qui s’ouvre.  »

Il entrera ensuite dans la classe de Maria-Joao Pires, et c’est en Belgique qu’il suivra son enseignement à la Chapelle musicale reine Elisabeth. La démarche de Pires est basée sur un principe presque communiste, la pianiste portugaise adulée dans le monde entier considérant ses disciples comme ses alter ego. Elle est d’une générosité sans limites et cette rencontre sera déterminante pour le jeune pianiste.

La mort, la lumière et l’espérance

Nathanaël Gouin fait aujourd’hui l’actualité avec Liszt macabre. On sait combien la thématique de la mort a jalonné toutes les étapes de la vie créatrice du compositeur et pianiste virtuose hongrois. Mais on s’interrogerait sans doute sur le fait qu’un musicien d’à peine 30 ans choisisse à son tour de s’y frotter, si ce n’était pas, de son propre aveu, un projet personnel qui avait du sens. Ce qui frappe à l’écoute du disque et dès les premières notes, au-delà d’une prise de son prodigieuse (signée Aline Blondiau, star belge du métier), c’est un sentiment de grande proximité avec le pianiste. La sonorité est délicate, profonde. On redécouvre un Liszt d’une intériorité et d’une incandescence oubliées, un Liszt mystique, mélodiste, jamais porté par la virtuosité. Sous les doigts de Nathanaël Gouin, le piano respire, on y déguste la transparence du contrepoint : une sincérité qui émeut aux larmes, une oeuvre dans laquelle les deux hommes ne font plus qu’un. De la souffrance et du deuil émergent la lumière et l’espérance, le coeur fécond de la vie. Et l’un des CD de piano les plus marquants de ces dernières années.

Liszt macabre, Nathanaël Gouin, Mirare Productions. En concert le 17 novembre, à 12h30, à Flagey, à Bruxelles. www.flagey.be

PAR ELSA DE LACERDA

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