Le virus caméléon

De l’oiseau à l’homme, en passant par le cochon, ce fléau insaisissable n’en finit pas de s’adapter. Son dernier avatar, mexicain, est une souche inédite qui pourrait encore se modifier.

Gilbert Charles

Il va falloir apprendre à vivre avec. Comme le réchauffement climatique, les pandémies grippales font désormais partie des menaces planétaires inéluctables, dont l’ampleur s’accroît avec la population humaine. Depuis une quinzaine d’années, leur rythme semble même s’accélérer. L’explosion épidémique partie du Mexique au début d’avril est la septième depuis le début du xxe siècle – dont la plus meurtrière fut celle de la grippe dite  » espagnole  » (entre 40 et 50 millions de morts en 1918) – mais la quatrième depuis quinze ans.

Selon Neil Fergusson, professeur d’épidémiologie à l’Imperial College, à Londres, et membre de la task force mise en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de 30 à 40 % de la population mondiale pourrait être infectée dans les six prochains mois par ce qu’il est désormais convenu d’appeler la  » grippe A H1N1 « . Sans oublier sa  » cousine  » aviaire (H5N1), apparue en 1997, toujours active en Asie et au Moyen-Orient, et la grippe saisonnière  » ordinaire « , responsable chaque année de la mort de 250 000 à 500 000 per- sonnes dans le monde, malgré les vaccins distribués dans les pays riches.

Ce fléau remonte à la nuit des temps et n’a cessé de s’adapter, en prospérant. Baptisée fièvre catarrhale au Moyen Age, la grippe est d’abord une zoonose (maladie infectieuse se transmettant de l’animal à l’homme et vice versa), touchant principalement les oiseaux, lesquels la propagent d’un continent à l’autre et la transmettent aux autres animaux, notamment d’élevage (volailles, porcs, lapins, chevaux). Ceux-ci contaminent ensuite les humains. Le virus responsable de l’épidémie actuelle, A H1N1, est un cousin éloigné de celui de la grippe espagnole. Issu des oiseaux, il s’est propagé aux mammifères, notamment au cochon, avant d’infecter l’homme. Depuis 1918, il semblait s’être replié sur cet animal et n’avait plus fait parler de lui, à l’exception de quelques épidémies porcines en Amérique du Nord, en URSS et en Asie. Bref, on le croyait disparu. Et le revoici sous un nouveau déguisement… La souche mexicaine contient en effet une combinaison inédite de quatre virus différents provenant de quatre espèces : deux virus porcins, un d’origine aviaire et un quatrième typiquement humain. Bien sur, ce H1N1 reste génétiquement très éloigné de son ancêtre de 1918, mais il pourrait en avoir gardé certains traits.

Malgré l’hécatombe qu’elle a provoquée, la souche de 1918 n’était pas en soi très létale, puisqu’elle n’a tué  » que  » 2 % des personnes infectées. Mais son taux de propagation semble avoir été foudroyant. D’autres variétés, moins rapides dans leur diffusion, affichent un taux de mortalité beaucoup plus élevé. Ainsi, la grippe aviaire apparue depuis 1993 (H5N1) a provoqué la mort de 257 personnes sur 421 contaminées.

Avec une trentaine de décès avérés sur quelque 1 200 malades répertoriés à ce jour, A H1N1 se situe, pour l’instant, dans une moyenne relativement basse. Notamment grâce au Tamiflu et aux trois autres antiviraux utilisés aux Etats-Unis. La prudence demeure cependant de mise : une autre souche de H1N1, responsable d’une forme de grippe saisonnière considérée comme  » bénigne « , qui a circulé en 2007 et 2008, est devenue, sans raison apparente, résistante au Tamiflu, alors que ce médicament n’était pas utilisé sur les malades…

Gilbert charles

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