» Le violon  » chante  » par l’archet « 

Pianiste, violoniste, basson, chef d’orchestre et professeur, Arie van Lysebeth est aussi un homme courtois, qui met sa compétence au service du concours Reine Elisabeth, qu’il préside depuis 1996. Son avis sur la session de violon 2009 ?

Le Vif/L’Express : Alors, que vaut la moisson de candidats de cette session ?

> Arie Van Lysebeth : On a toujours l’impression que le cru de l’année est meilleur que le précédent ! Je constate surtout un afflux croissant de candidats asiatiques, d’une qualité devenue exceptionnelle. Je veux dire qu’avant les Asiatiques étaient tout à fait parfaits, techniquement. Mais ils avaient parfois du mal à  » avaler  » les styles de Mozart ou de Schubert. Désormais, ils ont étudié à fond l’histoire de la musique occidentale, et ils ont acquis un véritable  » raffinement « …

Y a-t-il parmi eux de plus en plus de candidats issus d’économies émergentes, comme la Chine ?

> Pas plus qu’avant, non. Il y a même moins de Chinois que de Coréens. Mais je pense que c’est seulement une question de temps…

Juge-t-on différemment un concours de chant, de piano ou de violon ?

> Il faut juger selon le médium, c’est évident. Comme un chef d’orchestre qui a devant lui toute une gamme d’instruments doit être capable de juger si l’exécution, seule, est professionnelle. C’est une question de technique, de musicalité, de noblesse du son.

Quand il s’agit de juger une épreuve de chant, la personnalité du chanteur joue énormément. Celle d’un violoniste compte-t-elle également ?

> Oh oui, de façon maximale ! Le violon  » chante  » aussi par l’archet ! Et c’est bien la personnalité du soliste, et la manière dont il élabore son thème, dont il l’articule, qui font la profondeur d’une interprétation.

Est-ce qu’il y a encore des  » écoles  » de violon ? Des façons de jouer différentes selon les nationalités ?

> Beaucoup moins qu’avant. Les jeunes voyagent énormément, ne fût-ce que par Internet ! Surtout, ils se perfectionnent au contact de grands professeurs qui enseignent dans le monde entier. Ce qui arrive donc aujourd’hui, c’est qu’on reconnaît le maître qu’a eu l’élève, rien qu’au jeu de ce dernier : un legato particulier, l’utilisation, la répartition ou le choix d’un coup d’archet  » signent  » parfois leurs apprentissages !

Qu’est-ce qui fait un bon violoniste ?

> Il est indispensable qu’il soit d’abord intelligent ! Trouver le bon timbre, les couleurs judicieuses… Il faut faire tellement de choix quand on joue du violon ! Le bon violoniste doit imaginer toutes les possibilités sonores avant même d’émettre le premier son…

Au concours Reine Elisabeth, il n’y a pas de délibérations. Comment le jury tranche-t-il, finalement ?

> Toutes les cotations des jurés sont introduites dans un ordinateur, qui applique toutes les consignes du règlement dans le comptage des points. C’est mathématique.

Mais quel est votre rôle, alors ?

> Le président doit créer une  » atmosphère  » pour que le concours reste équitable. Je dois veiller au choix équilibré des morceaux des candidats, mais aussi à renvoyer purement et simplement ceux qui se montreraient déficients (c’est arrivé cette année lors des premières éliminatoires), afin qu’ils n’entachent pas la réputation du concours. Je dois surtout gérer les membres du jury, pour que tous fonctionnent le plus collégialement et le plus amicalement possible…

C’est une tâche si difficile ?

> Non, pas difficile mais… délicate. Les membres du jury sont tous des artistes, des gens sensibles, à très forte personnalité. Il ne faudrait pas que certains induisent des prises de pouvoir, ou des influences subtiles, les uns sur les autres. Mais j’adore gérer ça : plus il y a de fortes têtes, plus c’est gai et plus ça me paraît simple ! Et on affirme que l’ambiance, ici, est très conviviale ! l

PROPOS RECUEILLIS PAR V.C.

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