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Le vent nous portera (ou peut-être pas)

La Wallonie a quasi atteint ses objectifs de production éolienne terrestre en 2021. Trente-quatre turbines ont été installées, représentant ensemble 99 mégawatts. Un résultat malgré tout insuffisant au regard du retard accumulé ces dernières années.

La première réunion d’information préalable à la construction du parc éolien de Fauvillers, près de Martelange, s’est tenue en 2009. Les cinq éoliennes du projet ont été inaugurées en grande pompe en juillet 2021. Après une consultation populaire (qui s’était prononcée contre le projet), plusieurs recours, plusieurs ministres et la cession d’un des « moulins » à une coopérative locale. Une procédure longue, très longue. Un projet à la peine. Comme l’ensemble de l’éolien en Wallonie.

Des projets souvent bloqués

Selon des chiffres obtenus par Le Vif, trente-quatre mâts ont vu le jour en Wallonie en 2021 pour une puissance cumulée de 99 mégawatts (MW). Une bonne année puisque le chiffre frôle les objectifs wallons annuels: 100 MW d’éolien terrestre. Depuis 2008, ils n’ont été atteints que trois fois (voir graphique en page 30). Malgré tout, et face à l’importance grandissante de l’éolien consécutive à la fin programmée du nucléaire, les ministres en charge restent optimistes. Tout comme Fawaz Al Bitar, le président d’Edora, la fédération des énergies renouvelables: « C’est maintenant qu’il faut accélérer les choses. Moyennant une série de mesures, atteindre les objectifs de 2030 est totalement réalisable. C’est la bonne nouvelle », se réjouit-il.

Le vent nous portera (ou peut-être pas)

Parmi les mesures envisagées, on trouve la réduction de la durée entre les premières études d’incidence et la mise en fonction des éoliennes – douze ans à Fauvillers! Pour les turbines qui ont commencé à produire en 2021, une série d’obstacles est venue à chaque fois retarder le chantier de plusieurs années. Or, d’ici à huit ans, la Wallonie doit plus que doubler sa production éolienne. « Il existe une grande insécurité juridique autour des parcs éoliens. Lorsqu’un permis est octroyé, il n’est pas à l’abri de recours et peut être bloqué durant un certain temps au Conseil d’Etat. » Ainsi, à l’heure actuelle, cinquante-deux parcs font l’objet d’un recours, soit 208 éoliennes, près de sept fois la puissance sortie de terre l’an dernier (lire Le Vif du 8 juillet 2021).

La Wallonie s'est donné pour objectif d'installer 100 MW d'éolien par an. Elle n'y est parvenue qu' à trois reprises depuis 2008.
La Wallonie s’est donné pour objectif d’installer 100 MW d’éolien par an. Elle n’y est parvenue qu’ à trois reprises depuis 2008.

Citons aussi l’implantation d’éoliennes plus performantes. De plus grande taille, avec un plus grand rotor. « Ce ne sont pas celles que l’on installe pour le moment en Wallonie, concède Fawaz Al Bitar. Nos éoliennes mesurent généralement 150 mètres de haut alors que dans d’autres pays d’Europe, elles peuvent culminer au-delà de deux cents mètres. Ces machines plus puissantes produisent plus. » Soignies, Malmedy, Dinant, Paliseul… plusieurs projets présentés en 2021 proposent néanmoins des mâts de 180 mètres. Mais la généralisation de ces éoliennes plus puissantes nécessiterait, selon le président de la fédération des énergies renouvelables, un nouveau cadre de référence. Notamment en ce qui concerne la distance entre les habitations et les éoliennes. Une adaptation que la ministre de l’Environnement, Céline Tellier (Ecolo), n’exclut pas: « S’il est nécessaire de réviser le cadre de référence, le gouvernement devra analyser cette possibilité. »

Le vent nous portera (ou peut-être pas)

Où les mettre?

Quelque 492 éoliennes tournent actuellement en Wallonie, implantées dans 121 parcs. Comme le montre notre carte, de nombreuses communes ne comptent, encore actuellement, aucune éolienne sur leur territoire. Cela ne signifie pas aucun projet! En 2021, 106 ont été soumis à une étude d’incidence pour agrandir des parcs existants ou en construire de nouveaux, avec, souvent, une grosse réticence citoyenne. Notons que certains projets en excluent d’autres. Aujourd’hui, la majorité de ces projets se situent en milieu agricole, se concentrent et se multiplient sur les plateaux venteux. D’autres sont prévus dans des zones forestières et des zonings industriels.

Céline Tellier
Céline Tellier© BELGA IMAGE

Pas question, par contre, de les implanter trop près des habitations. Ni à proximité d’un terrain militaire – c’est le cas, par exemple, d’une partie de la province du Luxembourg et de l’est de la province de Liège – , d’un autre projet éolien ou à un endroit où elles pourraient interférer avec le trafic aérien. Certaines plaines, notamment dans la botte du Hainaut, sont également exclues.

Préserver la biodiversité

La construction de parcs éoliens est aussi soumise à des contraintes liées à la biodiversité. Que les promoteurs reprochent à la ministre Tellier de trop prendre en compte.

C’est le département de la nature et des forêts (DNF) qui analyse l’incidence des projets éoliens sur la nature environnante. Il examine la proximité des zones d’intérêt biologique ou scientifique ou encore la présence d’éléments verticaux capables d’accueillir les oiseaux et les chauves-souris, comme des bois ou des haies. Il rend un avis consultatif obligatoire. Soit défavorable. Soit favorable pour une partie du projet. Soit favorable. La troisième option étant toujours conditionnée à la mise en place de compensations pour la biodiversité, comme le bridage des éoliennes à certains moments pour éviter que les volatiles ne s’y fracassent, par exemple.

C’est ensuite à la Région de trancher, de faire la balance et d’octroyer ou non le permis. « Notre avis est consultatif mais on est assez bien suivis, constate Bruno Balligand, responsable éolien pour la direction extérieure du DNF, à Mons. Généralement, le département qui délivre les permis revient toujours vers nous en cas de problème, car notre avis est prépondérant, tout comme celui qui évalue l’impact sur la santé humaine. Bien sûr, il peut arriver qu’un parc soit accepté malgré notre avis négatif. Mais dans la majorité des cas, on nous demande ce qu’il conviendrait de mettre en place pour éviter les nuisances. »

« Nous devons nous mobiliser pleinement pour atteindre nos objectifs en matière de développement éolien, tout en veillant à maîtriser les incidences locales lorsqu’elles existent, déclare Céline Tellier. Je n’hésite pas à passer outre des avis négatifs quand ils m’apparaissent manquer de vision globale mais je suis aussi sensible à la préservation de la nature. Nous devons garder l’horizon en tête: atteindre nos objectifs de développement renouvelable pour lutter contre les changements climatiques, réduire à terme notre dépendance et notre facture énergétiques, tout en restaurant la biodiversité. Cet horizon politique n’est pas contradictoire. »

Depuis 2012, un cadre a été mis en place pour structurer les décisions de la DNF. Si le parc éolien est, par exemple, situé à moins de cent mètres d’un bois de feuillus, le refus sera catégorique. « Chacun prêche pour sa paroisse, on ne va pas se mentir, conclut Bruno Balligand. Nous pencherons toujours pour une diminution maximale des risques et les énergéticiens essaieront toujours de pousser la production à son maximum tout en évitant les grosses mesures compensatoires. »

Sur levif.be, retrouvez les projets éoliens en cours près de chez vous.

Éoliennes mises en fonction en 2021

– Parc de Juprelle-Bassenge: 5

– Parc de Neufchâteau-Léglise: 5

– Parc des Hauts-Sarts à Herstal: 1

– Zoning Garocentre de La Louvière: 1

– Temploux (Namur): 1

– Parc de Fauvillers: 5

– Parc de Héron: 3

– Parc de Renaix: 3

– Parc de Vaux-sur-Sûre: 4

– Zoning de Ghlin-Baudour (Mons et Saint-Ghislain): 1

– Ciney: 5 (3 + 2)

Silence

Insomnies, maux de tête, certains riverains se plaignent de la présence des éoliennes, dont le bruit produit a longtemps été « couvert » par un vide juridique. Depuis l’an dernier, un cadre intersectoriel fixe les normes de bruit, quelle que soit la localisation du parc. Les éoliennes doivent respecter les valeurs limites fixées par l’OMS dans les zones d’habitat, d’habitat à caractère rural, agricoles, forestières, les espaces verts et les parcs, avec un seuil plus sévère la nuit. En zone d’habitat, il est fixé à 45 décibels le jour et à 43 en soirée, la nuit, les week-ends et les jours fériés. Quarante-cinq décibels, cela correspond au bruit de la circulation derrière un double vitrage ou à celui d’un lave-vaisselle performant. En France, le seuil de 35 décibels doit être respecté dans les zones d’habitat. « Avoir un nouveau texte est un soulagement par rapport aux normes, se réjouit Fawaz Al Bitar, le président de la Fédération des énergies renouvelables. Mais cela n’a pas amélioré la sécurité juridique. »

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