Le tiers payant règle ses comptes

Jean-Marc Nollet s’apprête à présenter les primes Qualiwatt pour soutenir le photovoltaïque. Cette transition sonne le glas des formules  » win-win « . Les acteurs qui ont exploité ce filon estiment avoir été  » salis  » à tort.

Quatre ans de ruée vers l’or insouciante. Et puis, le néant. Un black-out brutal, engendré par la secousse de la bulle spéculative du photovoltaïque fin 2012 – 2,5 milliards d’euros en Wallonie -, vidant les carnets de commande du secteur. Triste fin que celle du plan Solwatt, lancé en 2007 par André Antoine (CDH). Pour oublier le démon des certificats verts surévalués au regard du marché, place aux nouvelles primes Qualiwatt dès janvier 2014. D’ici peu, le ministre de l’Energie Jean-Marc Nollet (Ecolo) présentera ce nouveau mécanisme de soutien chargé de rétablir l’équilibre et la confiance des particuliers.

Une certitude : l’investissement photovoltaïque restera rentable. Mais les aides octroyées ne permettront plus aux sociétés spécialisées de proposer la fameuse formule  » win-win « . Tant mieux, diront des observateurs tels que Test-Achats, critiquant ces lucratifs  » transferts de prime  » réalisés par des sociétés parfois imprudentes. Les faillites de Solar and Co, Concept Eco Energy ou encore d’Elect-Râ attestent de la fragilité du mécanisme, au même titre que la déroute récente de Homevision (2 600 clients concernés).

Des cow-boys sans foi ni loi ? Jugement simpliste, rétorquent les entrepreneurs qui ont exploité le concept avec précaution. Taxés d’avoir agi avec légèreté, les rares survivants du tiers investissement – ou des formules apparentées comme telles – estiment avoir été injustement salis.  » Certains ont pris des risques considérables, analyse Philippe Delaisse, secrétaire général d’Energie Facteur 4, facilitateur photovoltaïque pour la Wallonie. Mais le tiers investissement a aussi permis à la filière de se développer.  » D’après Olivier Squilbin, directeur de la promotion des énergies renouvelables à la Commission wallonne pour l’énergie (Cwape), les contrats de ce type représentent 10 % du nombre d’installations aux particuliers en Wallonie.  » Et la plupart de ces sociétés ont agi de façon responsable.  » Devançant l’annonce en grande pompe d’un label  » qualité « , les rescapés tiennent à restaurer une image pour le moins écornée.

 » Les précurseurs se voient insultés  »

C’est le cas de la société namuroise Alma Terra (2 000 clients) dont le patron, Bernard Annet, se dit  » très fier  » d’avoir inventé le concept du tiers payant en 2009, reproduit par la concurrence. Ce mécanisme consiste à prendre en charge la gestion du projet photovoltaïque d’un particulier, dont le remboursement de l’emprunt contracté, en contrepartie des certificats verts et avantages fiscaux qui y étaient liés (voir schéma et encadré).  » Je ne comprends pas pourquoi certains jugent cela scandaleux, assène Bernard Annet. Dès le début du plan Solwatt, tout le monde savait que le photovoltaïque allait devenir un vrai produit financier, à commencer par le politique. Et ce soutien était nécessaire. Aujourd’hui, les pionniers qui y ont vu une opportunité de business sont insultés. Inacceptable !  »

En quatre ans d’existence, sa société a réalisé de plantureux bénéfices, assumant les effets d’aubaine liés aux diminutions des aides octroyées aux particuliers. Fin 2011, le succès est tel que la petite SPRL consolide ses bases en augmentant son capital d’un million d’euros, engageant des dizaines de commerciaux via des contrats à durée déterminée.  » Nous étions ultra-équipés pour repérer les toits parfaits, commente l’une des anciennes recrues. Le photovoltaïque était presque trop facile à vendre.  »

Bernard Annet ne nie aucunement les gains record engendrés par son entreprise dans cette spirale aussi vertueuse qu’éphémère.  » Cette politique ne pouvait pas tenir sur la durée. Mais ce n’est pas la préoccupation d’une société commerciale, qui a pour objet social de faire des bénéfices. De notre côté, nous savions que nos projections financières étaient prudentes.  » Si certains ont anticipé la chute du marché, d’autres ont bâti leur business model sur des spéculations de vente des certificats verts surévaluées à 85, voire à 105 euros. Une mégalomanie fatale.

Le nouveau plan, plus proche de la réalité du marché, rendra de tels écarts impossibles.  » Qualiwatt ne s’inscrit plus dans la logique de taux de rentabilité à deux chiffres « , confirme Olivier Squilbin à la Cwape. Bernard Annet, lui, compte bel et bien se détourner de la prospection du photovoltaïque chez les particuliers à l’avenir. Priorité, désormais, aux installations de grande capacité.

Pour le futur, la Cwape et le ministre de l’Energie tablent sur un potentiel annuel de 12 000 installations photovoltaïques supplémentaires en Wallonie chez les particuliers.  » Illusion, rétorque Bernard Annet. La confiance ne reviendra pas avant longtemps.  » La Cwape est plus optimiste.  » L’objectif est raisonnable, puisqu’il est calibré à l’horizon 2020. Mais rien ne permet effectivement de savoir si le secteur sera en mesure de vendre du photovoltaïque aussi facilement qu’avant.  »

La filière ne peut plus tolérer la moindre erreur politique, ni les ennemis de l’intérieur qui ont accéléré sa chute. Sous peine de se brûler les ailes pour de bon.

Par Christophe Leroy

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