Le sens strict de l’hospitalité flamande

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Bienvenue en Flandre aux hommes et aux femmes, pourvu qu’ils soient de bonne volonté. Les immigrants qui manquent à leur devoir d’intégration sont mis à l’amende. Aux manettes de l’inburgering, le N-VA Geert Bourgeois n’entend pas relâcher la pression. Bien au contraire.

Les premières  » prunes  » sont tombées. Cent trente-six amendes administratives infligées depuis le coup d’envoi de la répression, donné en mars 2009. On ne badine pas avec les lois de la  » citoyennisation  » et de l’intégration en Flandre. Celles et ceux qui osent s’en moquer commencent à en payer le prix : 75 euros pour la majorité des 44 contrevenants sanctionnés pour la seule année 2009, jusque 100, voire 150 euros pour trois cas jugés plus lourds. Les candidats à une habitation sociale sont logés à la même enseigne : en mars dernier, 58 d’entre eux étaient signalés pour avoir manqué à leurs devoirs d’apprendre le néerlandais ou de suivre un parcours d’intégration. En bout de course, le risque de perdre leur contrat.

Décrocher un ticket de séjour se mérite désormais en Flandre. Toute personne qui vient d’une contrée étrangère à l’Union européenne doit se plier au sens de l’hospitalité à la flamande tel que codifié depuis 2004. L’  » inburgering  » lui tiendra lieu de mot d’accueil. Et un parcours d’intégration civique de mise à l’épreuve. A moins d’en être exempté, parce que trop vieux, handicapé ou gravement malade par exemple, le nouveau venu devra se frotter au néerlandais, se laisser orienter sur le plan professionnel et/ou faire connaissance avec des valeurs universelles : tolérance, ouverture, égalité homme-femme, liberté d’expression. Sans obligation de résultats, mais bien d’efforts. Que cela lui plaise ou non, l’  » inburgeraar  » n’a en principe plus le choix. La présence du N-VA Geert Bourgeois à la tête de l’Inburgering ne risque pas d’inverser la tendance. L’homme ne passe pas pour un tendre. L’unanimité ambiante conforte d’ailleurs le ministre régional dans sa conviction :  » Le tabou de la citoyenneté obligatoire est tombé. Plus aucun parti ne nie l’existence d’un problème.  » Problème ? Non pas que les autorités flamandes doutent de l’enthousiasme des nouveaux arrivants. Comment pourrait-il en être autrement ?  » Tout le monde a à y gagner. L’ancien comme le nouveau Flamand « , assure Bourgeois.

Mais il y a toujours des récalcitrants. Pour ceux-là, le gouvernement flamand s’est ménagé la possibilité de sortir le bâton. Faute de pouvoir compter sur la collaboration de la justice… fédérale : aucun des 578  » inburgeraars  » pris en défaut et signalés aux parquets en 2008 ne sera inquiété. Place donc aux sanctions administratives. Très à cheval sur la chose, le parti de Bart De Wever se félicite de les voir porter leurs tout premiers fruits.  » Le nombre relativement faible d’amendes indique un effet dissuasif « , se réjouit le député régional Willy Segers, tout aussi satisfait de constater que les réfractaires rentrent dans le droit chemin dès leur première amende.

Resserrer les mailles du filet

L' » inburgering  » tiendrait donc ses promesses. Pourtant, il laisse son ministre de tutelle sur sa faim.  » Nous menons une bonne politique, le système fonctionne, mais ce n’est pas la fin de l’histoire.  » Bourgeois est résolu à écrire d’autres chapitres. En commençant par resserrer les mailles du filet : 13 % de forfaits recensés en 2008 durant le parcours d’intégration, c’est trop. Le ministre entend mieux quadriller le terrain pour combattre l’  » inburgering  » buissonnier. Les 84 offices qui dispensent des cours de néerlandais, le VDAB (l’équivalent du Forem), les CPAS, la Société flamande du logement social, les huit Maisons du néerlandais : tous vont alimenter en données la banque-carrefour Inburgering, pièce maîtresse du programme de traçabilité.

Aller au bout du parcours imposé ne suffira plus. L’immigrant doit donner d’autres gages de sa volonté de se mêler à son lieu de vie :  » Le taux de participation des nouveaux arrivants à la vie sportive, associative et sociale est trop faible « , au goût du ministre N-VA. Trop facile aussi de se croire tiré d’affaire avec un néerlandais basique pour tout bagage :  » Il reste encore un (long) chemin à parcourir sur ce plan. Trop d’  » inburgeraars « , une fois le trajet primaire accompli, ne poursuivent pas le volet linguistique.  » Inacceptable. La Flandre attend que  » toute personne qui y habite apprenne vite et bien le néerlandais « . Le message vaut aussi pour les immigrés installés depuis longtemps en terre flamande, en principe dispensés de l’obligation :  » Je vais évaluer si le parcours obligatoire doit être imposé à ceux qui touchent une allocation du CPAS.  » Bruxelles n’est pas oubliée dans l’aventure : le ministre N-VA en fait une cible  » prioritaire  » de sa politique. Même si, concède-t-il à regret,  » sa mise en £uvre est très difficile étant donné que l’inburgering n’y est pas obligatoire « .

Et de lancer prochainement de nouvelles forces dans la bataille de l’intégration : des coachs, recrutés parmi les immigrants déjà  » citoyennisés.  » De gentils accompagnateurs, volontaires pour aller au musée, flâner, faire du sport ou du shopping avec les nouveaux venus. Et faire la causette en flamand, bien entendu. Bourgeois y croit : la formule fait mouche aux Pays-Bas, au Danemark. La Flandre n’a pas le choix, le ministre N-VA le rappelait au parlement flamand :  » Nous avons le devoir d’accompagner ces gens.  » Que cela leur plaise ou non.

PIERRE HAVAUX

 » le tabou de la citoyenneté obligatoire est tombé  » geert bourgeois

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