Le scénario fou d’une Deutsche Wallonia

Evoquée en boutade par Paul Magnette, l’idée de rattacher un jour la Wallonie à l’Allemagne semble exclue. L’une des figures du CDH liégeois demande pourtant de ne pas écarter a priori l’hypothèse.

Imaginez ! Un drapeau aux bandes noir-rouge-jaune (horizontales, celles-là) flotte sur l’Elysette, à Namur, devenue capitale du Land de Wallonia.  » Dany  » Van Buyten, bilingue depuis son transfert au Bayern Munich, s’est imposé naturellement comme le nouveau capitaine de la Mannschaft. Dans les rues de Charleroi ou Verviers, les policiers arborent sur les manches de leur uniforme l’aigle germanique de la Bundespolizei. Quant à Paul Magnette, l’apôtre du modèle rhénan, il a conquis la présidence du SPD. Et il s’apprête à ramener les sociaux-démocrates au pouvoir…

Ce scénario improbable, tout juste bon à distraire quelques fans de science-fiction, personne ne l’avait jamais imaginé. Jusqu’à cette interview de Paul Magnette (PS) dans La Libre Belgique. L’avis du ministre-politologue : si notre pays éclatait, tant qu’à envisager un rattachement, mieux vaudrait l’Allemagne que la France. Un scénario  » lunaire « , de son propre aveu. Mais faut-il l’exclure ?

 » Tout est toujours possible… En 1988, celui qui aurait prédit la disparition de la RDA serait passé par un fou « , indique David Urban. Originaire de Francfort, ce chercheur en sciences politiques aux Fucam, à Mons, insiste sur le caractère irréaliste d’un rattachement de la Wallonie à un autre pays, quel qu’il soit. Il précise néanmoins que  » la Constitution allemande prévoit que d’autres Länder, d’autres entités, peuvent se rattacher au Bund, à la fédération « . Quant au caractère supposé unilingue de l’Allemagne, David Urban le relativise fortement.  » Il est vrai que, depuis la fin du xixe siècle, le Deutsche Volk est envisagé comme une communauté culturelle avec un dénominateur commun. Toutefois, des minorités linguistiques existent. Dans le sud-est de l’Allemagne, où vit la minorité sorbe, toute la signalisation est bilingue allemand-sorbe. Dans le Land du Schleswig-Holstein, la minorité danoise jouit de droits spécifiques. Les partis prodanois ne doivent pas atteindre le seuil de 5 % pour obtenir des élus au parlement régional.  »

Des similitudes

Qu’en pensent les Belges germanophones ? En cas de disparition du pays, plusieurs options s’offriraient à eux.  » Le retour à l’Allemagne, d’où l’on vient, est un choix possible, parmi d’autres « , avance Karl-Heinz Lambertz, le ministre-président de la Communauté germanophone. En revanche, il ne croit pas du tout que la Wallonie puisse un jour être allemande.  » Intégrer les 70 000 Belges germanophones, cela ne nécessiterait qu’une petite correction de frontières. La même opération pour toute la Wallonie, ce serait bien plus compliqué.  » La députée fédérale Kattrin Jadin (MR) juge elle aussi ce scénario  » inconcevable « . Un avis partagé par le député germanophone Karl-Heinz Brau (Ecolo). Celui-ci relève cependant plusieurs points communs entre la Wallonie et la région de Cologne et Aix-la-Chapelle.  » Avec ses carnavals, sa convivialité, la Rhénanie-Westphalie-du-Nord ressemble fortement à la Wallonie. Les deux régions s’apparentent même dans leurs travers. Certains travaux publics entrepris à Cologne me rappellent, par leur laisser-aller, les mauvais côtés de la Wallonie. « 

Seul, à contre-courant, reste Marcel Stiennon… Cet ancien conseiller CDH à la Province de Liège préside l’Association Allemagne-Belgique de Liège. Il met en avant son attachement viscéral à la Belgique.  » Mais si ça pétait, la Wallonie ne pourrait survivre seule, estime-t-il. Nous devrions nous rattacher à un autre pays. Dans cette hypothèse, l’Allemagne correspond mieux à notre tradition démocratique que la France.  » Marcel Stiennon met en avant les  » dix siècles d’unité  » qui ont jadis rapproché le pays de Liège et une partie de l’actuelle Allemagne.  » Même si nous parlons français, nous sommes des Rhénans, des Rhéno-Mosans « , soutient-il. Avant de conclure :  » En tant que minorité francophone en Allemagne, nous serions valorisés, courtisés. En France, nous serions des citoyens de seconde zone qui parlent mal le français. « 

FRANÇOIS BRABANT

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