Caroline Van Wynsberghe. © DR

 » Le rôle des partis est aussi de servir de bouc émissaire « 

Particratie, que de crises politiques subies en ton nom ? Un peu réducteur. Pour Caroline Van Wynsberghe, politologue à l’UCLouvain,  » le gouvernement par les partis  » est un facteur précieux de stabilité.

L’accouchement de la Vivaldi (PS- SP.A – MR – Open VLD – Ecolo – Groen – CD&V), un grand moment de particratie ?

Je parlerais plutôt d’un grand moment d’ego, d’une somme d’individualités en brain- storming prolongé et d’un jeu intense de stratégies de communication. Ce qui ne cadre plus vraiment avec la particratie, laquelle suppose une discipline, des responsables qui partent négocier sur la base d’un programme, avec des lignes claires.

Faut-il s’inquiéter de cette évolution ?

Le constat n’est pas plus rassurant à mes yeux. Ce qui manque aujourd’hui en politique, c’est une capacité de jouer collectif. A quoi a-t-on assisté dans le long processus de formation de ce gouvernement ? On a d’abord beaucoup discuté des personnes en cherchant à savoir qui voudra ou pourra bien être Premier ministre, avant même d’avoir un programme. Le problème de la particratie n’est pas réglé mais on en a ajouté un autre.

La particratie n’aurait pas fait de tort à la formation du gouvernement ?

Elle a été pensée pour faciliter et garantir la stabilité du système politique. Ce que les partis apportent à la formation d’un gouvernement, c’est une majorité et seule la discipline de parti peut assurer le maintien d’une coalition. Les partis sont liés par un accord de gouvernement. Sans le soutien de certains d’entre eux, comment aurait-on pu avoir un gouvernement minoritaire de plein exercice au niveau fédéral durant la crise sanitaire ? Quelle autre possibilité s’offrait ?

Il n’existe donc aucun plan B convaincant au règne des partis en politique ?

Jusqu’à présent, on n’a pas trouvé de meilleure solution, d’alternatives plus crédible à la démocratie représentative liée aux partis. La  » particratie  » peut se définir comme un gouvernement par les partis. Si ce n’était pas eux, ce serait qui : des associations, des groupes informels, des mouvements éphémères ? Bien sûr, des idées farfelues circulent :  » Et si on tirait au sort les ministres parmi les parlementaires ?  » La démocratie directe ou participative ne peut faire l’économie d’une démocratie représentative.

La particratie ne serait pas un si vilain défaut que ça ?

Elle a tué le débat au Parlement. Elle se traduit par une concentration de pouvoir chez les partis qui cadenassent le jeu politique à leur profit. Lorsqu’ils en arrivent à substituer leur intérêt propre à l’intérêt général, on peut parler de dérive de la démocratie représentative. Un parti est une entreprise, son but est de prospérer électoralement.

Fallait-il qu’on en arrive nécessairement à l’avènement de la particratie ?

Les partis sont apparus pour se faire les porte-parole d’intérêts particuliers et variés. L’introduction du suffrage universel et l’avènement consécutif des partis de masse ont eu pour effet que les partis ont pris le dessus sur les élus et que la décision politique revient aux partis plutôt qu’aux institutions. Le système est là pour  » faire fonctionner le bazar « . Et cela ne fonctionne pas si mal.

Pourquoi tant de haine à l’égard des partis, alors ?

Le rôle des partis est aussi de servir de bouc émissaire. Pendant qu’on les maudit, on n’accable pas le système démocratique lui-même, on ne le remet pas en cause. Il revient aux partis d’assumer les plaintes qui s’expriment et de trouver des solutions. C’est un rôle essentiel dont on ne se rend pas assez compte et qu’il faut saluer.

ENTRETIEN : PIERRE HAVAUX

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