Le roi est nu

En un an, le citoyen ordinaire a pris la mesure des mirages de l' » économie-casino « . La haute finance est longtemps restée un monde réservé aux seuls vrais experts, ne supportant guère la contestation. Le novice découvre aujourd’hui que le marché-roi a dicté sa loi, grâce à une sorte d’alliance entre des escrocs, des autorités inertes et, parfois, un gotha aveuglé.

Le système bancaire et financier a montré ses premières fissures le 24 janvier. A Paris, la Société générale a alors avoué avoir perdu près de 5 milliards d’euros, à la suite de la fraude d’un de ses employés. Le trader Jérôme Kerviel est apparu comme un jeune loup aux dents longues qui avait cédé à l’argent facile. Un cas isolé, rassurait-on dans les banques. Mais quand on découvre qu’un génie de la finance new-yorkaise a vécu d’une escroquerie massive durant plus de quarante ans, l’édifice s’effondre. Avec l’arrestation de Bernard Madoff, par le FBI le 11 décembre, on a appris l’évaporation de 50 milliards de dollars dans un montage  » pyramidal  » historique. Cela n’amuse plus personne. Certainement pas le club très sélect de ses riches clients et encore moins quelques-unes des plus grandes banques du monde (Santander, BNP Paribasà). C’est qu’entre Kerviel et Madoff, le 15 septembre, la banque américaine Lehman Brothers a fait faillite, mise à terre par la crise du subprime. A la fin de 2007, cet établissement cumulait 677 milliards de dollars de dettes pourà 23 milliards de capital. On connaît la cascade de conséquences dramatiques qui s’est alors mise en branle, avec des milliards dilapidés, des banques exsangues, des entreprises détruites, une hémorragie d’emplois perdus, des retraités ruinésà

Kerviel et Madoff ont joué avec le feu, par cupidité. Personne n’a pu les arrêter à temps. Les organismes de surveillance ont été inopérants. Il faut dire que les autorités publiques n’avaient pas coutume de les inciter à l’audace : elles martelaient le mot  » dérégulation  » comme un mantra. Alan Greenspan, le gourou d’hier, jurait que le marché s’autorégulait de lui-même. L’ancien président de la Réserve fédérale américaine (1987-2006) est aujourd’hui considéré comme un pyromane, à l’origine d’un coupable laisser-faire conjugué à une distribution laxiste de liquidités à bon marché. Un cocktail Molotov qui nous a explosé à la figure.

Chez nous, on s’interroge aussi sur l’action du gouvernement, après la suspension du démantèlement du groupe de bancassurance Fortis. Selon la cour d’appel de Bruxelles, c’est à tort que le gouvernement se serait passé de l’avis des actionnaires. En proie à la panique, aurait-il bradé Fortis par amateurisme ? Le gouvernement a choisi la voie procédurière, avec un pourvoi en cassation et une action en tierce opposition relativement aléatoires. Pour couper court aux appétits de petits actionnaires susceptibles d’obtenir des dédommagements ? Une certitude : les contribuables paieront l’addition. Mais, cette fois, ils savent que le roi est nu. Les masques sont tombés. Une commission d’enquête parlementaire sur les pressions éventuelles du gouvernement sur la magistrature devrait être mise en place. Pareil terreau, mêlant la malhonnêteté à la passivité, à l’incompétence, voire à l’abus de pouvoir, convient idéalement au poujadisme. Restons vigilants.

de dorothée klein, Rédactrice en chef

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire