Le risque est-il bien calculé ?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Faute d’avoir renfloué les caisses de l’Etat en période de vaches grasses, nos gouvernants doivent en revenir aux temps du déficit budgétaire. Ont-ils abandonné les réflexes qui ont gravement endetté le pays ?

Déficit budgétaire. L’expression a de quoi donner la chair de poule à des légions de contribuables, encore traumatisés par la folle embardée du budget de l’Etat au cours des années 1970. On se prépare pourtant à y replonger, dans ce déficit tant redouté. Mais promis, juré ! Ce sera temporaire et à des doses limitées : pas plus de 1 ou 2 % de déficit. Nos dirigeants sont formels. Le relâchement de la discipline budgétaire ne servira qu’à amortir les chocs de la crise économico-financière, venue bouleverser tous les plans. La longue marche vers le redressement des finances publiques s’en trouvera contrariée. De même que la décrue de notre endettement. Mais Leterme Ier n’a pas d’autre choix que de céder au péché mignon de tout gouvernement désargenté : emprunter de l’argent pour financer la politique de soutien à l’économie défaillante. Plus personne ne semble contester la nécessité de ce coup de pouce de l’Etat. Pas même les maniaques de la rigueur budgétaire. Tel Fons Verplaetse, ancienne cheville ouvrière de l’assainissement draconien de nos finances publiques. Cette éminence grise du CVP, qui a épaulé de manière déci-sive l’interminable cure d’austérité imposée par les gouvernements Martens-Gol puis Dehaene-Maystadt au cours des années 1980 et 1990, admet la nécessité de marquer un temps d’arrêt. Le gouverneur honoraire de la Banque nationale rejoint en cela la chef de file des ministres PS au gouvernement, Laurette Onkelinx.

Encore faut-il que le risque pris soit bien calculé. La Belgique n’est certes plus  » l’enfant malade de l’Europe  » qu’elle a été à la charnière des années 1970 et 1980. Mais la convalescence de ses finances publiques n’est pas terminée. Le tableau de bord des indicateurs budgétaires (voir ci-dessus), commenté par Fons Verplaetse, montre à quel point un dérapage peut provoquer de la sueur et des larmes. Mais aussi à quel point le relâchement de la discipline en période de haute conjoncture a privé l’Etat de précieuses réserves en cas d’infortune… et le contraint à chercher le salut dans l’emprunt.

1. Les finances publiques.  » De 1981 à 1985, le gouvernement Martens-Gol a drastiquement assaini les finances. Puis, de 1985 à 1992, il a fallu relâcher un peu la pression. Jean-Luc Dehaene a dû remettre de l’ordre dans la situation budgétaire, de 1992 à 1998, pour permettre l’entrée de la Belgique dans la zone euro. Les huit années qui ont suivi, sous l’ère Verhofstadt, traduisent un certain laisser-aller sur le plan budgétaire.  »

2.Le solde primaire. C’est la différence entre les recettes totales de l’Etat et ses dépenses primaires, hors charges d’intérêts sur la dette publique. Après avoir culminé à – 7,4 % du PIB en 1981, ce solde primaire devient positif à partir de 1985. Les deux gouvernements Dehaene ont ensuite porté ce surplus de recettes par rapport aux dépenses jusqu’à + 6,8 % du PIB.  » Avant que l’effort ne soit pratiquement réduit de moitié sous l’ère Verhofstadt.  »

3. Le solde global. Le poids des charges d’intérêts sur la dette publique transforme le surplus primaire en déficit. Mais si ce solde global négatif n’a cessé de s’améliorer, le rythme de décroissance s’est nettement ralenti : il était passé de -7,9 % à – 0,7 % sous l’ère Dehaene ; de – 0,7 % à – 0,3 % sous les gouvernements Verhofstadt. Ce déficit va reprendre du poil de la bête sous Leterme Ier.

4. La dette publique. En alourdissant les charges d’intérêts, les emprunts émis par l’Etat pour sauver les institutions bancaires impriment un coup d’arrêt au long processus de dé- sendettement.

Le droit à l’erreur dans la gestion des deniers publics n’est donc pas permis. Il reste à l’équipe Leterme Ier à faire démentir un passé qui ne plaide pas vraiment en faveur des gouvernants.

Pierre Havaux

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