Le réveil du Lion

Waterloo, carte de visite de la Wallonie touristique : c’est l’objectif du projet de réaménagement du célèbre champ de bataille. Les marchés viennent d’être attribués, le début des travaux est prévu pour mai de cette année. Après des années de tribulations, le célèbre félidé du sculpteur Van Geel disposera enfin d’un écrin digne de lui. Et d’un sérieux dépoussiérage. Si tout va bien…

couple de jeunes Japonais. Un £il sur la carte, l’autre vers l’horizon. Les zooms pointent dans la même direction : la butte du Lion.  » Nous sommes venus passer quelques jours à Bruxelles, avant de visiter Paris , confie Tetsuo, dans un anglais presque parfait. J’ai découvert Waterloo dans un manga sur Napoléon, un personnage historique controversé qui me fascine.  » Pour cet ingénieur qui se passionne depuis des années pour les batailles de l’Empire, c’est une véritable consécration.  » Il paraît que, du haut de la butte, la vue est imprenable.  »

C’est ici, dans cet écrin de verdure, captif du temps et de l’Histoire, que l’aventure de Napoléon s’est brisée en 1815. Malgré la défaite, Waterloo reste l’un des lieux où se perpétue le mieux la mémoire de l’empereur des Français. Seulement, voilà. Ce matin-là, Tetsuo déchante : le  » Panorama « , vaste bâtiment circulaire qui abrite une fresque représentant la bataille sur 360°, est fermé. Tenant sa moitié par la main, le jeune homme se replie vers le  » Musée de cire « , face au  » Centre du visiteur « . Vingt-huit minutes plus tard, il revient, le visage défait.  » J’avais l’impression d’être dans un aquarium rempli de cadavres. C’est quoi, ce truc kitsch ? Un attrape-touristes ?  » Non, juste le spectacle d’une ambition gâchée. L’histoire belge de Napoléon, quoi ! A défaut de briller par la qualité de son offre, le site du Lion ne cesse de faire grincer des dents.

 » Aujourd’hui encore, on est presque gêné de ce que l’on montre, même si nous sommes sur la bonne voie, confie Yves Vander Cruysen, échevin de la Culture et directeur général de l’ASBL Bataille de Waterloo 1815. Ce champ de bataille est le plus important du monde. C’est aussi celui qui a été le mieux préservé : il est maintenu intact depuis presque 200 ans ! « 

Onze ans de lifting

Waterloo, c’est d’abord une querelle communale : le site de la bataille est situé sur quatre communes et surtout marqué du sceau de Braine-l’Alleud. Cette bataille d’ego fait naître des querelles financières mêlant communes et Région, pour aboutir à une véritable guerre des tranchées urbanistique. L’opération débute par le remembrement du hameau du Lion. La Région et l’intercommunale Bataille de Waterloo 1815 rachètent une à une les parcelles et les maisons situées aux alentours de la butte, de manière à contrôler tout éventuel projet urbanistique ou commercial futur. Cette première étape va durer six ans.

De promesses électorales en nouvelles législatures, la redynamisation du site stagne. Qu’à cela ne tienne : la Région s’empare du projet. Et commence à voir grand. Objectif : atteindre le cap des 500 000 visiteurs annuels, contre à peine 200 000 aujourd’hui. La Région investit d’abord 25 millions d’euros. L’exploitation du site est ensuite attribuée à la société française Culture Espace, filiale du groupe Suez spécialisée dans la gestion de patrimoine. La Région charge ensuite le bureau bruxellois BEAI de remodeler le paysage architectural.

Avec une volonté ferme : faire du champ de bataille la porte d’entrée de la Wallonie.  » L’idée est qu’une fois passés par Waterloo, les touristes descendent ensuite dans le sud du pays, pour découvrir Namur, Durbuy, etc. « , indique Tommy Leclercq, chef de cabinet adjoint du ministre wallon en charge du Tourisme. Les premiers coups de pelle étaient attendus en 2009 et les travaux devaient s’achever en… 2012.

La course au Lion

A trois ans du bicentenaire, le projet, qui a vu le jour il y a plus de onze ans, est aujourd’hui ficelé. Mais il doit encore franchir la dernière étape de son parcours administratif. Fin mars, le gouvernement wallon a avalisé le montage permettant de financer les travaux. Il passe par un financement alternatif de 27 millions d’euros, via le compte du Centre régional d’aide aux communes.  » Le 26 mars, nous avons attribué les marchés des lots 1 et 4 « , confie Paul Furlan, ministre du Tourisme. Prudent : Waterloo, c’est une affaire personnelle. Le dossier phare de sa législature.

Un projet pharaonique, qui prévoit notamment la construction d’un mémorial semi-enterré (10 millions d’euros), la reconstitution de la bataille en 3D avec la griffe de Franco Dragone (9 millions), une voirie de contournement et de vastes parkings (4 millions), un système de chauffage par géothermie (2 millions), la rénovation du Centre d’interprétation (300 000), la rénovation de l’hôtel et du service Horeca (9 millions d’euros), auxquels s’ajoutent les 9 millions investis pour le rachat du site. Coût total du projet : 42 millions d’euros, entièrement pris en charge par la Région wallonne en pleine période de restrictions budgétaires…  » A terme, ces investissements vont produire un chiffre d’affaires de 10 à 15 millions d’euros par an pour le tourisme wallon « , se défend Paul Furlan.

Reste à se prémunir contre deux pièges… Après l’attribution des marchés, la loi prévoit une période pendant laquelle des recours peuvent être introduits. Echéance : le 20 avril. Par le passé, de tels recours ont déjà retardé le dossier de 3 ans et coûté 3 millions d’euros. L’autre écueil est celui du temps. Le permis d’urbanisme pour le projet arrive à échéance le 18 mai.  » Si, à cette date, le chantier n’a pas débuté, la Région devra alors réintroduire une nouvelle demande de permis « , indique le ministre, avec le risque de rallonger les délais et de s’exposer à d’éventuels recours.  » Mais si tout se passe bien, les travaux démarreront en mai « , précise-t-il.

A quoi ressemblera le hameau dans trois ans ?  » L’esprit du projet, assure le ministre, est le respect de la mémoire d’un endroit mythique qui doit aussi refléter le dynamisme wallon.  » Concrètement, seuls le Hussard, le Café bruxellois et l’Hôtel du Musée seront conservés, mais rénovés. Le hameau sera débarrassé des édifices qui bouchent la vue vers le tertre. Autre nouveauté : la route du Lion deviendra un piétonnier. Les visiteurs venus du parking se rendront dans un nouveau centre d’accueil, souterrain, et gagneront différents espaces consacrés à l’exploitation didactique, aux collections temporaires et permanentes, aux spectacles et conférences…

On prévoit encore une projection sur grand écran panoramique (avec lunettes spéciales pour la 3D), des animations diverses, des ateliers artisanaux, des circuits de découverte du champ de bataille à pied ou à vélo. Ainsi qu’une scénographie pyrotechnique.  » Les visiteurs seront bombardés d’images et d’effets spéciaux : tremblements de terre, fumées et odeurs les plongeront au c£ur de l’action. La bataille sera revécue heure par heure « , confie une source proche du dossier. Reste à concrétiser ce qui s’imposera comme un des plus grands travaux touristiques entamés en Belgique. Dans les temps.

RAFAL NACZYK

La Région commence à voir grand

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