Le respect de l’enfance : une notion neuve

L’utilisation sexuelle des enfants fait l’objet d’une prise de conscience nouvelle. L’indignation et l’inquiétude vont croissant et débouchent sur beaucoup de questions. L’Eglise est loin d’être seule en cause. La plupart des abus (on cite le chiffre de 85 %) sont intrafamiliaux, on a signalé des cas de pédophilie dans des internats laïcs, des écoles coraniques ou perpétrés par des rabbins et des pasteurs protestants. Le respect de l’enfance est une notion neuve. La dépendance infantile, totale à la naissance, ne se résout que lentement. Dès lors, la reconnaissance de l’intimité d’un enfant comme une limite et un droit fait souvent défaut à des proches qui n’expriment pas toujours la retenue qui irait de soi avec un adulte.

Le célibat imposé au clergé catholique l’expose-t-il particulièrement à cette déviance ? La réponse n’est pas simple. Aux Pays-Bas, une enquête auprès des prêtres catholiques a révélé que la moitié se considéraient comme d’orientation homosexuelle. Je ne dis pas que les homosexuels sont anormaux, mais ils ne font pas 50 % de la population. Feraient-ils de plus fervents chrétiens ? Difficile à croire. Il semble plus probable que la valorisation du célibat, et la règle qui l’impose, opèrent un biais de sélection qui dissuade les hétérosexuels, d’autant plus qu’ils sont dotés d’une sexualité ou d’une libido forte, et ressentent profondément qu’ il n’est pas bon que l’homme soit seul.

Et pourquoi n’est-ce pas bon ? Une sexualité normale contribue à la santé psychique et physique. L’interdire à un adulte, c’est prendre le risque de le fragiliser et lui rendre plus difficile l’équilibre affectif, moral et mental. Tant qu’on refusera d’admettre qu’on crée une situation malsaine, potentiellement perverse, quand on écarte – peu ou prou – des chrétiens [à ] du clergé catholique, le grand public, croyant ou non, gardera ses doutes sur la bonne foi de l’Eglise. Le catholicisme s’inscrit dans le temps et l’histoire. Comme d’autres religions, il exprime une culture séculaire peu respectueuse de l’intimité, de la liberté personnelle et de la diversité. La règle du célibat, l’interdiction du divorce, les condamnations de la contraception et de l’homosexualité, la diabolisation de l’avortement, voire le sacrement de confession, légitiment des intrusions de l’institution ecclésiale et du clergé dans les consciences, les profondeurs mystérieuses des personnalités, les pensées, les décisions et les comportements les plus intimes. Et on ne s’étonnera pas qu’elles soient souvent maladroites ou violentes.

On a incriminé la misère sexuelle et la solitude pour expliquer les dérapages pédophiles où sont tombés des membres du clergé. Parfois, la relation de cause à effet ne fait guère de doute. Mais je me demande si le mal n’est pas plus profond. Et s’il ne faut pas dénoncer tout autant une culture de l’irrespect comme dangereuse et propice à l’exploitation sexuelle des plus vulnérables et des plus immatures.

Baudouin Petit, pédiatre

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