» Le PS a toujours été pragmatique vis-à-vis des entreprises « 

 » La montée du chômage a entraîné une plus grande écoute aux demandes du monde patronal « , analyse le politologue de l’ULB. Mais les socialistes belges ont de tout temps été sensibles aux contraintes de l’économie de marché.

Le Vif/L’Express : Le PS est considéré comme l’un des partis sociaux-démocrates les plus à gauche d’Europe. Parallèlement, il semble entretenir avec le monde de l’entreprise des connexions plus étroites que le PS français ou le PSOE espagnol. Un paradoxe ?

Pascal Delwit : Le PS est-il l’un des partis les plus à gauche d’Europe ? On peut répondre oui. Non pas à la lumière d’éléments idéologiques, car le PS n’est pas un parti très idéologique, mais en prenant en compte deux réalités. Un : le PS est l’un des partis européens qui défend le plus le modèle des Trente glorieuses. Il reste très centré sur les acquis sociaux hérités de ce modèle. Deux : la composition du PS, tant en termes d’affiliés que d’électeurs, reste très liée aux milieux salariés populaires. Ce n’est plus le cas des partis socialistes en France et dans les pays du Sud de l’Europe.

Y a-t-il une proximité réelle entre le PS et les milieux d’affaires ?

Oui. Mais ce n’est pas propre au PS, c’est le cas de tous les partis qui exercent des responsabilités. Quand vous êtes au pouvoir, vous êtes immanquablement confrontés au monde entrepreneurial. Voyez Paul Magnette qui essaie d’attirer des entreprises à Charleroi. Cette proximité se manifeste au niveau fédéral, régional, communal, mais aussi provincial – on l’a vu avec l’affaire Tecteo.

Le PS, jusque dans les années 1970, se permettait des attaques frontales contre le capitalisme. Ce temps-là est révolu ?

Je serais plus nuancé. La rencontre entre le monde de l’entreprise et le Parti socialiste n’a rien de nouveau. Dès 1885, le Parti ouvrier belge, ancêtre du PS, a fait montre de pragmatisme. Il ne s’est jamais inscrit dans une politique qui allait mener au socialisme tel qu’on l’entendait au XIXe siècle. Son action était de décrocher des acquis sociaux pour les travailleurs, de conquérir le pouvoir afin d’amener une législation sociale digne de ce nom. Le contexte, en revanche, a changé. Jusqu’en 1975, la Belgique connaissait le plein emploi. La montée du chômage a bouleversé la donne. Aujourd’hui, pour tout édile local, chaque emploi pris est bon à prendre. Au nom de l’emploi, les décideurs politiques – y compris socialistes – sont prêts à beaucoup de sacrifices, que ce soit en termes d’aménagement du territoire ou de fiscalité. Cela entraîne une plus grande écoute, de la part du PS, aux demandes du monde patronal. L’autre évolution, c’est la montée en puissance des multinationales, et donc l’accroissement de leur pouvoir de chantage. On le voit avec Ford ou Mittal : les leviers du monde politique sont bien plus faibles qu’il y a trente ans.

Défendre un modèle social plus respectueux des travailleurs, et courtiser des entreprises comme H&M ou Google, dont les pratiques contribuent à fragiliser les acquis sociaux, n’est-ce pas schizophrénique ?

Il peut paraître paradoxal de défendre les acquis sociaux tout en accueillant à bras ouverts Google à Mons. Mais le paradoxe se trouve aussi chez les électeurs : même ceux qui votent à gauche demandent aux partis au pouvoir qu’ils amènent des entreprises, et en même temps, qu’ils protègent les acquis sociaux. Les électeurs du PS n’attendent pas que Magnette et Di Rupo disent : surtout pas Google… Cela dit, il est vrai qu’entre ces deux impératifs, il y a parfois du tiraillement. •

Entretien : François Brabant

 » Au nom de l’emploi, les responsables socialistes sont prêts à beaucoup de sacrifices « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire