Le pétrole, l’autre bulle spéculative

Depuis la mi-juin, le prix du pétrole chute. Plusieurs paramètres pèsent sur le cours du baril. C’est principalement l’affaiblissement de la consommation d’or noir qui est en cause.

En moins d’un mois, le prix du brut a chuté de plus de 15 %. Le baril est tombé à moins de 60 dollars le 9 juillet (il tourne aux alentours de 64 actuellement). Soit dix dollars en dessous du  » juste  » prix évalué par les grandes puissances mondiales réunies début juillet en Italie, à L’Aquila. Pour les pays du G 8, le cours de l’or noir devrait osciller entre 70 et 80 dollars le baril. Cette estimation rejoint celle des pays producteurs. L’Opep, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, avait émis un objectif de 75 dollars le baril au début de cet été. En augmentant ou en réduisant l’offre, l’Opep espérait provoquer respectivement une baisse ou une hausse du cours du pétrole, afin de stabiliser ses marges. Las ! Le marché ne semble plus du tout s’intéresser à la production pétrolière. C’est désormais la demande d’or noir qui est au centre de toutes les préoccupations.

De la théorie à la pratique

En principe, la saison estivale provoque une demande énergétique accrue. Les congés d’été entraînent généralement une explosion des déplacements des habitants des pays industrialisés. C’est à cette époque de l’année que les particuliers parcourent le plus de kilomètres, notamment en voiture et en avion. Dès lors, la demande de carburants, dérivés du pétrole, est censée grimper en flèche. Cette période de l’année, traditionnellement marquée par des pics de température sous des latitudes habituées à un climat tempéré, est aussi celle où les systèmes de climatisation tournent à plein régime, consommant davantage d’énergie que les moyens de chauffage durant l’hiver ! Or bon nombre de centrales électriques qui fournissent l’électricité des climatiseurs, notamment aux Etats-Unis, sont alimentées par des combustibles dérivés du pétrole. Tout devrait donc concourir à un accroissement de la demande d’or noir durant l’été. Voilà pour la théorie. Car, dans la pratique, cette année, la consommation de brut ne semble pas décoller autant que prévu. Pourquoi ? Il n’y a pas de mystère : on est en pleine crise économique…

Et qui dit crise économique dit baisse de la consommation. Aux Etats-Unis, toujours considérés comme la référence de l’économie mondiale, les ménages semblent avoir décidé de rogner sur leur budget vacances. Le poste carburant est l’une des premières victimes des économies auxquelles l’Américain moyen s’astreint. Ça se constate dans les chiffres. Les quantités d’essence stockées aux Etats-Unis sont en forte augmentation, comme le montrent les récentes évaluations hebdomadaires. La loi de l’offre et de la demande fait le reste : face à la raréfaction des consommateurs, les producteurs sont obligés de réduire leurs tarifs.

Valeur refuge ou spéculative ?

A cela s’ajoute le problème de la spéculation. Depuis plusieurs années, le cours du baril est davantage entre les mains des financiers que dans celles des pays producteurs. Le pétrole est considéré comme une valeur refuge : il est bon d’en acheter quand ça va mal en Bourse. Or les marchés financiers se sont bien redressés depuis le début du mois de mars. La petite rechute observée depuis début juin n’a pas (encore ?) inversé la tendance. C’est notamment dû au fait que, dernièrement, l’or noir voit son statut de valeur refuge remplacé par celui de valeur spéculative. Voici un an, les cours du brut avaient atteint le niveau record de 147 dollars. C’était le 14 juillet 2008. Il avait suffi d’un an pour passer à ce prix, venant de quelque 70 dollars à la mi-2007. Cette ascension spectaculaire avait attiré beaucoup de spéculateurs. Ce sont eux qui, aujourd’hui effrayés par les perspectives de réduction de la demande énergétique, abandonnent leur position sur les contrats du pétrole, accentuant ainsi l’ajustement à la baisse des cours. Sur le marché pétrolier aussi, il y avait une bulle…

Philippe Galloy

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