Le Pen OPA sur la droite

Forte de sa troisième place, la présidente du Front national veut désormais faire imploser l’UMP. Pour donner un avenir à son parti.

Cette fois, pas de choc, pas de manifestations, ni de larmes. Juste une  » surprise « , qui n’en est pas vraiment une, tant, de toutes parts, la révolte grondait.  » Un petit 21 avril « , note un proche. Certes, Marine Le Pen n’est pas qualifiée pour le second tour et ne dépasse pas la barre symbolique des 20 % des voix, comme elle l’espérait. Pourtant, elle fait beaucoup mieux qu’égaler son père : 6,4 millions de Français ont voté pour elle – 1,6 million de voix de plus que le  » Menhir  » en 2002. Quinze mois après son accession à la tête du Front national, l' » héritière  » a dépassé son créateur. Jean-Marie Le Pen a inscrit le parti d’extrême droite dans la durée, sa fille est en passe de lui offrir un avenir. A trois jours du scrutin, déjà, elle affirmait, confiante :  » Plus rien ne sera comme avant. « 

Le 22 avril, son stress était pourtant palpable. Quand elle entre dans la salle Equinoxe, à Paris, vers 18 heures, pour une réunion à huis clos avec son équipe, Marine Le Pen porte le visage fermé des mauvais jours. Les sondages  » sortie des urnes « , qui circulent dans les QG, la situent alors autour de 16 %. Pour elle, ce serait l’échec de sa stratégie de  » dédiabolisation « . Une heure plus tard, les premiers dépouillements corrigent cette impression : son score sera élevé.  » A un moment, confie un témoin, elle pense même atteindre 21 %.  » Soulagée, la candidate débouche le champagne et donne les éléments de langage à ses porte-parole invités sur les plateaux de télévision :  » Nicolas Sarkozy devait tuer le FN, il est dans les choux. La chef de l’opposition, c’est moi. « 

Le 1er mai, Marine Le Pen enfoncera le clou. Elle ne devrait pas donner de consignes de vote, mais laissera entendre, comme elle l’a glissé dans les derniers jours de la campagne, qu’il faut faire battre Nicolas Sarkozy le 6 mai.  » Au rugby, quand vous avez un adversaire sous votre pied, il faut appuyer dessus « , résume Louis Aliot, vice-président du FN et ancien rugbyman. L’objectif est clair : miser sur l’implosion de l’UMP pour obtenir des députés aux législatives de juin et tenter d’attirer des élus souverainistes dans le cadre d’un  » rassemblement bleu marine « . Pour s’imposer, elle parie sur une  » guerre des chefs  » à droite.  » Qui sera l’opposition à Hollande ? Fillon, Copé ou Sarkozy lui-même ?  » s’interroge Bruno Bilde, directeur de la communication.  » Avec une vague rose et un FN fort, on ratiboise l’UMP « , analyse Nicolas Bay, porte-parole. Aux législatives, le Front perd 4 à 5 points en moyenne par rapport à son score présidentiel. Seule exception : après la dissolution de l’Assemblée, en 1997, avec 15 %, il avait provoqué 76 triangulaires fatales à la droite. Le 22 avril, Marine Le Pen a dépassé 12,5 % des inscrits dans 353 circonscriptions sur 577 – c’est le seuil pour se maintenir au second tour des législatives.

Le patron de l’Oise :  » J’ai déjà reçu des coups de fil « 

Le Front pourrait voir se répéter le scénario des cantonales 2011, où il s’était maintenu dans 402 cantons, souvent au détriment du candidat de la droite. Mais il n’obtint que deux élus. Cette fois, les stratèges frontistes veulent croire que le  » petit peuple de droite qui en a marre de perdre toutes les élections  » brisera les digues érigées par la direction de l’UMP, notamment dans les zones rurales et périurbaines où Marine Le Pen réalise une forte poussée.  » J’ai déjà reçu des coups de fil. Au niveau départemental, les travaux d’approche ont commencé « , glisse Michel Guiniot, patron du FN dans l’Oise.  » 90 % de nos militants ne seraient pas hostiles à une alliance avec le Front national « , constatait récemment et amèrement un dirigeant du parti majoritaire, bien décidé à empêcher ce rapprochement.

ROMAIN ROSSO

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