Le pays garde la confiance des investisseurs belges

L’économie tunisienne se remet lentement d’une  » révolution de jasmin  » qui n’aura pas refroidi les entrepreneurs belges sur place. Mais le  » nouveau régime  » pourra-t-il préserver une stabilité fragile ?

« Business as usual.  » Telle est l’impression générale des entreprises belges présentes en Tunisie, un an après la chute du régime de Ben Ali.  » Nous n’avons jamais dû fermer nos ateliers. Les travailleurs ont été très soucieux de protéger leur outil de travail « , nous explique Dany Lallemand qui gère une entreprise textile de 160 personnes, dans le nord-est du pays. Même constat de stabilité auprès de l’entreprise de lingerie Vandevelde (Marie-Jo), qui emploie plus de 600 personnes en Tunisie :  » Nous avions par prudence gelé nos investissements en 2011, mais nous n’avons pas constaté le moindre événement ou changement inattendu « , décrit le patron Herman Vandevelde. L’entreprise de confection attend de voir comment va se passer le premier anniversaire de la révolution, mais annonce déjà une reprise des recrutements. Dany Lallemand se dit même pour l’instant plus préoccupé par la récession en Europe (vers laquelle est exportée quasiment 100 % de la production textile tunisienne) que par la situation politique locale.

Le climat a été nettement plus tendu pour des entreprises qui écoulent leurs produits ou services localement. C’est le cas de Flexos, entreprise de sécurité informatique qui travaillait pour le secteur public tunisien.  » La priorité a été de sauver les meubles, de récupérer l’argent des contrats en cours « , explique le patron Jean-Paul Rosette, maintenant soulagé mais hésitant pour l’avenir :  » L’économie a pris un coup. Il n’y a pratiquement plus d’appels d’offre. Nous allons devoir décider si nous maintenons une présence directe à Tunis ou si nous faisons confiance à des partenaires-distributeurs locaux.  » Par contre, et dans le même secteur, la révolution a plutôt été profitable à la société ABDB, organisatrice de conférences à Tunis.  » Un des thèmes phare de nos conférences est la continuité des systèmes informatiques, un besoin urgent vu les sabotages ou les réorganisations qui ont touché plusieurs grandes entreprises liées à Ben Ali ou au clan Trabelsi « , constate son fondateur François Vajda.

De fortes tensions sociales persistent d’ailleurs dans toutes les entreprises, tunisiennes ou étrangères, acoquinées avec l’ancien régime. Certaines d’entre elles, qui n’hésitaient pas à s’asseoir sur les droits sociaux, subissent à présent la fronde d’une population qui refuse plus que jamais les injustices. En particulier dans les régions méridionales défavorisées de Gafsa, Kasserine ou Gabès. Une entreprise japonaise de câblage, employant plus de 2 000 personnes, a préféré fermer face à la révolte.  » A contrario, la Tunisie intéresse à présent des sociétés auparavant effrayées par le système de passe-droits de Ben Ali « , observe François Vajda.

Le bénéfice du doute pour Ennahda

Le parti islamiste Ennahda, désormais au pouvoir, jouit pour l’heure du  » bénéfice du doute « . Les investisseurs belges pensent que, vu la dure réalité économique, le pragmatisme va l’emporter sur l’idéologie. Mais de nombreuses questions subsistent : sur l’incapacité à concrétiser les promesses de la révolution dans un contexte international défavorable, sur le statut futur de la femme (il y a déjà une recrudescence du voile), sur la mainmise financière des Etats du Golfe ou, plus prosaïquement, sur la reprise du tourisme, secteur-clé pour l’économie tunisienne. Henri- Giscard d’Estaing, le patron du Club Med, déclarait récemment qu’il n’y a pas de raison structurelle de se détourner de la Tunisie. Les patrons belges semblent du même avis.

OLIVIER FABES

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