» Le Parlement est la voix de l’Europe « 

Père de l’indépendance en Lituanie, Vytautas Landsbergis siège depuis 2004 à l’assemblée de l’Union. De nouveau candidat en juin, il plaide pour un rôle accru de cette institution.

Que retenez-vous de votre premier mandat d’eurodéputé ?

Présenté partout sous l’aspect quantitatif, l’élargissement de l’Union européenne [UE] a produit un changement qui s’est révélé qualitatif. Les pays qui ont subi la dictature communiste ont apporté une autre expérience. Et plus de réalisme à l’égard des régimes autoritaires qui sont issus d’une mutation du communisme. Bien des esprits se bercent d’illusions ou cèdent au conformisme mais nous, nous voyons les faits et nous avertissons de la continuité du mal. J’apprécie que l’Europe gagne en intelligence et que la notion de  » conscience  » n’y soit plus politiquement incorrecte.

Un eurodéputé oriente-t-il ses choix selon le pays auquel il appartient ?

Le Parlement européen [PE] n’est pas le lieu pour défendre exclusivement les intérêts nationaux. Soit vous agissez en fonction de l’Europe elle-même, en réalisant qu’une meilleure Union est un atout pour l’Etat membre que vous représentez. Soit vous ne faites rien et vous attendez le moment où apparaîtra un sujet qui touche aux intérêts particuliers de votre propre pays. Mais faire bande à part de cette façon serait une erreur. Car on se prive soi-même de peser sur le destin commun. Les hommes politiques qui ont siégé au Parlement européen comprennent mieux l’UE, c’est certain.

Les enquêtes d’opinion font craindre une abstention accrue en juin. D’où vient cette tendance ?

Les sociétés consuméristes se caractérisent par leur indifférence à la politique, résultat d’une hébétude plus ou moins répandue. Le sensationnel et les calamités retiennent l’attention, et non le travail réel qui s’effectue.

L’Europe a-t-elle su répondre à la crise, préoccupation majeure des citoyens ?

L’UE n’a pas élaboré de politique commune pour y faire faceà Et c’est loin d’être le seul domaine où il en est ainsi.

Dans ces conditions, estimez-vous que le Parlement devrait avoir plus de prérogatives ?

Le Parlement est la voix de l’Europe. Certes, il exerce une influence réelle – qui s’affirmera à l’avenir. Cependant, il devrait intervenir davantage dans les débats sur les questions internes à l’Union et évaluer l’exécutif. Quant à son rôle en matière de politique étrangère, il ne peut plus rester uniquement consultatif.

Le traité de Lisbonne – sur lequel les Irlandais doivent se prononcer cet automne – donne plus de poids au PE. Etes-vous impatient qu’il soit appliqué ?

Ce n’est pas encore acquis. Au Royaume-Uni, où la ratification a été obtenue par voie parlementaire, certains politiciens ne cessent d’exiger un référendum. Ailleurs, des finitions manquent : les présidents tchèque et polonais n’ont toujours pas signé le traité. Certes, ce texte étend les domaines de compétence du PE et sans doute ses capacités de contrôle. Mais les députés auront alors à rivaliser avec d’autres institutions. Par exemple, avec le futur président du Conseil – dont les fonctions ne sont pas définies. Dieu seul sait de quels pouvoirs cette instance voudra disposer !

Si le traité était déjà adopté, le président de la prochaine Commission serait élu par le PE. Sur ce point, faut-il anticiper ?

Il y a des règles en vigueur. Suffit-il de réunir les opinions des eurodéputés pour les modifier ? A mon sens, mieux vaut procéder en respectant la légalité.

PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAINE PASQUIER

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