» Le Parlement est dépossédé de son pouvoir « 

Le Parlement fédéral ferme ses portes pour cause de vacances. Vice-président de la Haute Assemblée, Hugo Vandenberghe (CD&V) jette un regard sans complaisance sur une institution en pleine crise existentielle.

Le Vif/L’Express : Crise financière ou pas, les élus du peuple vont prendre aussi du repos. Ils peuvent boucler leurs valises avec le sentiment du devoir accompli ?

Hugo Vandenberghe : Le Parlement belge, au travers d’une commission mixte Chambre et Sénat, peut s’enorgueillir d’avoir rendu un rapport très fouillé sur la crise financière et bancaire. Ce qu’aucune autre assemblée parlementaire n’a fait en Europe.

Dix mois après le début de la crise, les mesures à prendre ne se font-elles pas toujours attendre ?

La campagne électorale liée aux élections régionales a interrompu le processus parlementaire de suivi de la crise. Il nous manquait aussi les sénateurs de communauté. Je le déplore…

Banquiers, ministres, économistes ont reçu leur lot de critiques pour la faillite du système. Les parlementaires ont-ils la conscience tranquille ?

Le Parlement a manqué de dynamisme dans le contrôle d’un monde financier devenu opaque. Il n’a pas joué son rôle ou bien il l’a subi. En 2002 et en 2004, nous avons manqué de sagesse en votant des lois qui ont permis la privatisation du monde financier et la commercialisation de tous ces produits toxiques. Les parlementaires ont sous-estimé les enjeux et les risques.

Il ne s’est jamais trouvé un élu de la Nation pour crier au loup ?

Dès1994, lors de la discussion d’un projet de loi relatif au crédit, qui introduisait la titrisation des emprunts hypothécaires, j’avais mis en garde contre le constant assouplissement des règles prudentielles. On m’a alors répondu que je défendais des positions du xixe siècle. La crise des subprimes m’a donné raison. Je n’en suis pas fier. Un parlementaire ne peut remporter seul la lutte face à un cartel d’intérêts.

Votre pouvoir d’infléchir les choses n’est-il pas devenu pure illusion ?

Le Parlement est la seule place institutionnelle directement élue pour défendre l’intérêt général, mais il se laisse déposséder de son pouvoir. Il n’est plus ce grand théâtre de la démocratie. Qui fait encore un grand discours au Parlement ? L’Etat spectacle domine et conduit à une grande expropriation démocratique.

La qualité des parlementaires s’en ressent ?

La connaissance des dossiers et la compétence pour les maîtriser ne sont plus les principaux critères de sélection des élus. Connaître ses dossiers n’est plus l’élément décisif d’une carrière politique. Ce qui finit d’ailleurs par poser problème dans le choix de bons ministres. La grande rotation des parlementaires crée de l’instabilité et nuit à l’apprentissage du métier.

En accordant le confort du huis clos aux acteurs financiers entendus devant la commission mixte, n’avez-vous pas fait aveu de soumission au pouvoir de l’argent ? Les policiers et magistrats n’ont pas eu droit à tant d’égards devant la commission d’enquête sur l’affaire Dutroux.

Certains ne voulaient pas témoigner devant nous si c’était en séance publique. Nous n’étions pas une commission d’enquête. Notre but n’était pas de déstabiliser un peu plus le système financier par une forme de procès public.

Le cumul avec des mandats privés n’est-il pas source de liaisons dangereuses ?

Cela ne crée pas de conflits d’intérêts en soi. C’est le management qui tue l’institution parlementaire. Les élus ne doivent pas être des managers, coupés de la réalité. Ils doivent cumuler l’intelligence émotionnelle, intellectuelle et politique pour pouvoir saisir l’intérêt général avec la sensibilité nécessaire. Parler et analyser la crise financière, c’est aussi parler aux banquiers, voir leur tristesse. C’est la réalité que l’on gouverne.

Entretien : Pierre Havaux

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