Le pari risqué d’un musée

Après 1945, de nombreuses tendances radicales se dessinent… Anvers se profile comme l’un des foyers de ce renouvellement artistique. C’est alors que le Musée royal des beaux-arts entame une politique d’acquisition inattendue, novatrice et tournée vers l’avant-garde internationale.

Les Modernes. Avant-garde, Koningin Fabiolazaal, Anvers. Jusqu’au 1er septembre 2013. www.kmska.be

Si les bâtiments du musée sont fermés pour rénovation jusqu’en 2018, l’institution ne semble pour autant pas en voie d’hibernation. Extra muros, elle poursuit sa mission de diffusion, mettant cette fois l’accent sur 35 pièces d’artistes des années 1960 et 1970. Les  » Modernes « . Soit toute une génération comptant entre autres, dans ses rangs, Lucio Fontana, Günther Uecker, Arman, Otto Piene, Vic Gentils et Walter Leblanc. A l’image de ces courants émergents, les organisateurs ont préféré nier les contraintes liées à une muséographie classique au profit d’un parcours plus libre.

L’explosion des codes

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les artistes veulent faire table rase du passé. Résultat ? Une foison de courants artistiques progressifs déferle sur l’Europe. Fini les références à l’art d’antan (figuration et abstraction), place à un nouvel élan : les concepts ! Et s’ils semblent sur des voies bien différemment tracées, ces  » pionniers  » – en quête d’expérimentation – partagent bien quelques affinités : ils emploient des techniques et des matériaux non conventionnels ; ils étudient la possibilité de travailler dans une couleur unique, voire sans couleur ; ils intègrent la lumière et l’espace ambiant comme l’ingrédient d’un certain nombre de réalisations… et, parallèlement, ils introduisent la notion d' » oeuvre inachevée « . Après avoir quitté l’atelier, celle-ci reste ouverte à toutes les interprétations du spectateur et chaque interprétation est en soi un nouvel achèvement. Voilà pour la théorie… En pratique, l’exposition permet de distinguer des groupes d’artistes – du même bord – qui se forment. Tous ces courants sont regroupés sous le terme générique  » Nouvelle Tendance « . A Düsseldorf, Heinz Macke, Otto Piene et Günther Uecker fondent le groupe Zero. La France voit naître un courant artistique que le critique Pierre Restany qualifie de  » Nouveau réalisme « . En Italie, Lucio Fontana applique à ses oeuvres son concept du Spatialisme. Quant aux artistes belges, ils ne semblent favoriser aucun concept. Baignés de nombreuses influences, ils établissent de fructueux échanges et suivent indistinctement les tendances artistiques étrangères.

Jouant un rôle important, la Ville d’Anvers s’affirme comme l’un des tout premiers rayons d’action de ces mouvements. C’est le musée du Middelheim qui introduit cette nouvelle tendance avec ses célèbres Biennales. Dans ce climat de saine émulation, le conservateur du musée des Beaux-Arts, Walther Vanbeselaere, projette la création d’un département d’art contemporain. Un changement d’attitude radical envers cette production qui est, par définition, toujours changeante. Dans cette perspective, il enrichit son fonds de nombreuses oeuvres d’art avant-gardiste venant de l’étranger, mais aussi de pièces d’artistes belges dont la valeur historique ne se prouvera que plus tard… Et pour cause, ceux-là sont devenus de vraies stars !

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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