» Le pape est une cible facile «
A contre-courant de ses collègues, Bart De Wever, président de la N-VA, a voté contre la résolution condamnant les propos du pape.
Les francophones connaissent davantage Bart De Wever comme l’âme damnée d’Yves Leterme, moins comme connaisseur d’encycliques qu’il a citées devant des députés pour la plupart médusés. » Il y a un manque total de connaissances de l’histoire de l’Eglise dans cette assemblée « , estime-t-il. Catho, De Wever ? » Je connais les encycliques en tant qu’historien, mais je ne suis pas croyant, ni un grand adhérent des idées du pape « , avertit-il d’emblée. Et pourtant, il a voté contre la résolution de la Chambre condamnant les propos de Benoît XVI. Et ce pour quatre raisons :
> » Malhonnêteté « . Selon De Wever, on peut lire les propos du pape avec de mauvaises intentions, et n’y voir qu’une condamnation du préservatif. » Mais le pape a dit autre chose : si les Africains ne changent pas leur attitude, le préservatif ne va pas les aider. Il pourrait même aggraver la situation « , interprète-t-il. Selon lui, les partisans de la résolution n’ont pas fait l’effort de comprendre. » Ils ont cherché et trouvé une occasion de nuire à l’Eglise et à un pape qui n’est pas très populaire, car très conservateur, et ayant déjà commis des bêtises. C’est une cible facile. »
> » Atteinte à la liberté d’expression « . Alors que des propos sont parfois légalement condamnables, le leader de la N-VA estime que » ce n’est pas à un parlement de décréter ce qu’on peut penser ou pas « . Le pape est-il ciblé en tant que chef d’Etat ? » Dans ce cas, c’est un peu ridicule, car je ne pense pas que le Vatican soit fort frappé par l’épidémie du sida. » Ciblé en tant que chef spirituel ? » L’Eglise a mis tout un temps à se désengager des affaires de l’Etat, ce n’est pas pour qu’on fasse aujourd’hui le chemin en sens inverse. » Et si on s’engage malgré tout sur cette voie, » alors il faudra aller écouter ce qui se dit dans les mosquées. Et là, il y a du pain sur la planche ! « .
> » Indignation sélective « . Si on s’en prend au pape, alors, dit Bart De Wever, il faut cibler certains chefs d’Etat africains » qui ont déjà proféré beaucoup de bêtises sur le sida. Et eux, ils ne sont pas à la tête du Vatican, mais de pays où le sida est un problème gigantesque « . Oui, mais le pape n’est-il pas un leader pour des millions d’Africains ? » Si on applique ce que le pape préconise, comme l’abstinence, on court peu de risques d’être contaminé. »
> » Injustice « . Pour Bart De Wever, les ONG chrétiennes sont en première ligne pour soigner les malades du sida, » et elles ne demandent pas aux gens ce qu’ils ont fait pour l’attraper, ni leur religion… Quand on sait cela, les députés n’ont-ils pas honte de rédiger une telle résolution ? « .
Le député ne voit toutefois pas dans cette poussée de fièvre antipapale une résurgence des vieux clivages belges entre cathos et libres-penseurs. Il renvoie plutôt aux années 1960 et à la libération par rapport à une certaine morale catholique : » Quand on a un pape très conservateur, il y a des réminiscences de ce combat. » Selon lui, les attaques contre l’Eglise ne sont pas le propre de la Belgique : » Aux Pays-Bas aussi, pour avoir du succès, il suffit de s’attaquer aux catholiques. Aussi, je ne comprends pas leur passivité. Comparez avec le tollé suscité par les caricatures au Danemark… » Selon Denis Ducarme, à l’initiative de la résolution, le Vatican redoute un effet de contagion de la révolte belge. Réplique de Bart De Wever : » S’il pense que le Vatican a peur de lui, je peux lui laisser ce plaisir. L’Eglise existe depuis 2 000 ans et survivra à M. Ducarme. «
Entretien : François Janne d’Othée
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