Le nouveau visage de Rotterdam

Ahmed Aboutaleb, maire de la deuxième grande ville néerlandaise, est le fils d’un imam originaire du Maroc. De quoi relancer le débat identitaire dans le pays.

Le 1er janvier, une grande ville d’Europe a intronisé, pour la première fois, un maire issu de l’immigration et de foi musulmane. Poumon des Pays-Bas, Rotterdam (595 000 habitants), le port le plus important du continent, compte comme premier magistrat Ahmed Aboutaleb, un fils d’imam, arrivé du Maroc à l’âge de 15 ans. La décision du conseil municipal de la deuxième ville du pays est remarquable, tant par la personnalité de l’édile que par la nature de la cité dont il va assumer la charge.

Aboutaleb était, en effet, un des adjoints sociaux-démocrates (PvdA) du maire d’Amsterdam, Job Cohen, lorsque le cinéaste Theo Van Gogh fut abattu, puis égorgé en pleine rue, le 2 novembre 2004, par un islamiste extrémiste. Il appela ce soir-là la communauté marocaine à signaler aux autorités tout individu  » risquant de franchir la ligne jaune  » et enjoignit, par la suite, aux fanatiques de  » prendre l’avion  » s’ils ne voulaient pas accepter les règles de l’Etat de droit libéral.

Ces paroles de fermeté ont suscité des critiques de la part de certains représentants de la communauté musulmane du pays, où il est traité de  » collabo  » ou de  » Bounty  » ( » noir dehors, blanc dedans « ).

La fermeté affichée par ce pratiquant de 47 ans lui a ouvert les portes du gouvernement, dans lequel il est entré en février 2007 comme secrétaire d’Etat aux Affaires sociales. D’où une polémique, le populiste Geert Wilders arguant – ce qui est exact – qu’Aboutaleb a la double nationalité, néerlandaise et marocaine. A droite, mais aussi dans une partie de la gauche, on reproche surtout, en réalité, à cet homme politique volontiers cassant son adhésion inébranlable au modèle multiculturel qui minerait, selon ses détracteurs, le libéralisme cher aux Néerlandais.

Dans un tel contexte, le choix de Rotterdam est hautement symbolique. C’est ici, dans cette ville où près de la moitié de la population est d’origine étrangère, que le tribun Pim Fortuyn avait lancé son mouvement (arrêt de l’immigration, dénonciation du  » péril musulman « ), avant d’être assassiné en 2002. Ses héritiers, quoique divisés et affaiblis, ont repris le flambeau.

 » Aboutaleb est un homme intelligent, qui s’imposera, confie Job Cohen. Il ne connaît rien aux affaires du port ; dans un an, il en maîtrisera tous les rouages. « 

Jean-Michel Demetz

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