Les sites de rencontres proposent des millions de profils à découvrir. De quoi faire des rencontres inattendues ? Détrompez-vous. Sur le Net comme ailleurs, on cherche des gens » comme nous « .
Les hypermarchés de la rencontre sont en ligne. Meetic, Badoo, Rendez-vous et les autres sont devenus en l’espace de quelques années les temples de la drague, des amours à la sauvette, des couples qui se nouent et se dénouent. Un concept » shopping » poussé à l’extrême par l’un des derniers-nés sur le marché, adopteunmec.com, qui invite ses » clientes » à piocher dans son catalogue d’ » hommes-objets « , vantant les » promos du jour » à mettre sans attente dans leur » panier « .
A en croire ces sites, trouver l’âme s£ur serait l’affaire de quelques clics savamment distillés. Et les rencontres improbables dans la » vie réelle » deviendraient enfin possibles. L’éleveur de Libramont va-t-il enfin pouvoir rencontrer la jet-setteuse de Knokke ? Perdu. » Sur Internet comme ailleurs, les hommes et les femmes pratiquent l’homogamie, c’est-à-dire qu’ils cherchent à rencontrer des gens appartenant à leur classe sociale « , assure Daniel Welzer-Lang, professeur de sociologie à l’université de Toulouse, auteur de nombreux ouvrages sur les questions de couple et de sexualité. Cette tendance à vouloir rester » entre soi » se marque dans les critères de sélection que les internautes vont établir pour dénicher la perle rare. Adèle, qui a eu sa cyber-période, mais a » viré tous [ses] comptes depuis qu'[elle est] avec un mec sérieux « , raconte : » Le type qui faisait cinquante fautes d’orthographe par phrase, je le virais direct. «
Meetic lui suggère son ex
En croisant toute une série de critères, conscients ou inconscients, comme le niveau d’éducation, la capacité à manier la langue, les références culturelles ou sociales, les internautes restent finalement dans leur élément. Pas étonnant que de nombreux témoins indiquent qu’ils ont retrouvé via le Web leurs amis, camarades de classe ou voisins de palier. Pour Mélissa, c’était moins drôle : » Je me suis inscrit sur Meetic après une rupture amoureuse. Après avoir coché tous mes critères, le site m’a conseillé en premier choix… mon ex, qui venait de me larguer ! «
Autre symptôme de cette tendance à l’ » entre-nous » : les grands sites généralistes sont talonnés par une myriade de plates-formes spécialisées. On peut désormais se retrouver entre ados (rencontre-ado.com), seniors (seniorsrencontres.com), blacks (blacklub.com), divorcés (divorceoumonop. com), gays (impactgay.com), etc. Pour Alexis Dewaele, sociologue à l’université d’Anvers, » cette catégorisation des sites de rencontres illustre bien la fragmentation de notre société en une multitude de réseaux sociaux et de sous-cultures « . La communauté gay, que le chercheur étudie depuis plusieurs années, en a tiré profit avant les autres : » Pour les minorités sexuelles, Internet est très attractif, explique-t-il. Les homosexuels n’ont pas peur d’être discriminés, ni d’être reconnus, et ils peuvent y trouver un partenaire sans répercussions négatives. Ce sont d’ailleurs les précurseurs de la drague en ligne. «
Même si chacun reste dans sa catégorie sociale, culturelle ou autre, le Net permet tout de même de démultiplier les possibilités de rencontres. » Mes collègues, mes potes et les membres de mon club de volley, j’en avais vite fait le tour, indique Adèle. Un site de rencontres, ça élargit pas mal le champ. » » Mais la relation sera plus difficile à maintenir sur la durée, prévient Alexis Dewaele. Lorsqu’on fait une rencontre dans la vie de tous les jours, c’est souvent par l’intermédiaire de notre réseau social. Du coup, on multiplie les occasions de revoir la personne qu’on a croisée. Sur Internet, on rencontre des gens qui n’appartiennent pas à notre réseau d’amis. Si on veut les revoir, il faudra faire l’effort de les rappeler, de fixer un rendez-vous, etc. » Dure, la vie…
G.Q.