Image via caméra cachée du broyeur industriel de Nike à Herenthout, en province d'Anvers. © Christian Salewski et Johannes Edelhoff, ARD

Le greenwashing de Nike transite par la Belgique

Sous couvert du projet écologique « Nike Grind », le géant du sport passe des dizaines de milliers de baskets neuves au pilon à Herenthout, en province d’Anvers. C’est ce que révèlent les investigations menées par Le Vif, Knack et la chaîne allemande ARD.

Sa campagne « Move to zero » ne laisse planer aucun doute: Nike vise le zéro déchet et la neutralité carbone. Et cette préoccupation doit bien entendu être connue du consommateur. Dans plusieurs de ses magasins européens et américains, les clients peuvent donc rapporter leurs vieilles baskets pour qu’elles soient recyclées. Au même titre que certaines chutes de fabrication, elles serviront notamment à fabriquer des sols pour les aires de jeux et complexes sportifs. Une initiative baptisée « Nike Grind ».

Seulement, Nike n’entend pas dévoiler au réseau de chaînes télé régionales allemandes ARD où les chaussures usagées sont traitées. Les journalistes Johannes Edelhoff et Christian Salewski placent donc un traceur GPS dans une vieille basket, qu’ils déposent dans une des enseignes de la marque. Le signal mène jusqu’en province d’Anvers, à Herenthout. Une fois sur place, à l’intercommunale de broyage industriel IOK, les journalistes n’en croient pas leurs yeux: l’endroit est rempli de palettes de chaussures neuves. Johannes Edelhoff, qui s’est fait passer pour le gérant d’un club de tennis en quête d’un sol en matériau recyclé, est autorisé à parcourir les lieux et à filmer. Il inspecte plusieurs paires prêtes à passer au pilon: « Elles avaient l’air nouvelles et ne présentaient pas la moindre griffe. »

Deux autres sources nous confirmeront que le broyeur traite principalement des chaussures neuves – parmi lesquelles certaines retournées par les clients – et ce en grand nombre. « Chaque sac contenait plus de 1 400 chaussures. Et il y avait là, au bas mot, une dizaine de sacs », selon les enquêteurs d’ ARD. Le Vif et Knack tentent alors, à maintes reprises, d’obtenir des informations sur la politique durable de Nike, pour le compte de leurs collègues allemands. En vain.

Quand nous arrivons finalement à joindre le directeur du département concerné, Noel Kinder, l’Américain semble tomber des nues: « Je ne suis pas au courant de ces détails, mais ce n’est certainement pas une pratique récurrente. C’est précisément ce que nous ne voulons pas faire. » Dans une réaction tardive au Vif et à Knack, le géant du sport contredit le résultat de nos investigations: « Les produits non portés ou irréprochables sont remis en vente » et cela serait le cas « de la plus grande majorité des chaussures retournées ». Mais pourquoi détruire des sneakers neuves? D’après Viola Wohlgemuth, experte auprès de Greenpeace Allemagne, l’explication est simple: Nike lance chaque semaine de nouveaux modèles et a besoin de leur faire de la place. « Les anciens doivent partir le plus vite possible. En fait, l’espace dans les rayons a plus de valeur que le produit même. »

La culture du gaspillage dans l’industrie du textile prend des proportions toujours plus folles. Depuis l’an 2000, le chiffre d’affaires du secteur a doublé, pour atteindre septante milliards de dollars. Et le secteur génère pas moins de 10% des émissions de CO2 de la planète. La gabegie y est devenue la norme: à l’échelle mondiale, jusqu’à 30% de vêtements sont jetés avant d’avoir été portés.

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