Anna Akhmatova, du photographe-plasticien Joel-Peter Witkin (1998). © JP Witkin/Baudoin Lebon

Le grand atelier de Joel-Peter Witkin

C’est débarrassé de nos certitudes étriquées sur le beau et sur le laid qu’il faut venir découvrir cette puissante exposition consacrée à Joel-Peter Witkin (Brooklyn, 1939). Il est également conseillé de souscrire à une vision plus large de l’existence. Petit avertissement à ceux et celles qui ne seraient pas dans cet esprit d’ouverture face aux flux de vie (ou qui ne seraient pas prêts à y confronter leurs préjugés): la rencontre risque de faire mal, elle qui culmine fallacieusement – et sans doute ironiquement – avec le bucolique A Day in the Country (1998), composition plus qu’explicite en matière de turgescences zoophiles. Il reste que la centaine d’oeuvres prélevées parmi les images de ce photographe-plasticien à l’univers baroque se tiennent à mille lieues de la provocation. Au contraire, elles sacrent l’entêtement, l’insistance, mais aussi leur inexorable caractère de machine à broyer des forces vitales en les traquant dans leurs manifestations les plus éloignées du « bon goût ». A bord de ses précieux agencements, Witkin embarque tout le monde, qu’il s’agisse de mutilés, d’androgynes, des transsexuels ou même de cadavres empruntés aux morgues. Pour célébrer cette « monstrueuse parade », l’ Américain conçoit des mises en scène, souvent brûlées et griffées, aussi flamboyantes que référencées: la veine plus douloureuse que doloriste du Massacre des Innocents de Nicolas Poussin ; des décollations à l’aura biblique ; des décors inspirés de l’atelier de Gustave Courbet, un autoportrait soufflé par le Vélasquez des Ménines ; voire de surréalistes natures mortes rehaussées à l’encaustique… Le tout, sur lequel plane l’ombre toute-puissante de la peinture, témoigne d’une virtuosité technique emballée par un soin maniaque du détail qui éclaire une équation révélatrice: entre le dessin préparatoire d’un projet et son tirage s’écoulent six mois.

Au Musée de la photographie, à Charleroi. Jusqu’au 16 mai.

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