Le droit à l’erreur

Ne pas gagner à tous les coups n’est pas forcément une mauvaise chose… Cette leçon de vie essentielle mériterait d’ailleurs d’être enseignée aux enfants dès leur plus jeune âge, car ils sont de plus en plus nombreux à vivre dans la peur de l’échec.

Il y a quelques années, le sous-chef de l’Osteria Francescana (élu meilleur restaurant du monde en 2018) a malencontreusement laissé tomber la dernière assiette de tarte au citron de la soirée. Le malheureux sentait déjà venir les sueurs froides à la vue du désastre lorsque le chef-coq Massimo Botura a commencé à s’extasier sur l’esthétique du dessert décomposé… et quelques jours plus tard, la carte était adaptée en conséquence !  » Oups, j’ai laissé tomber la tarte au citron  » est aujourd’hui un dessert salué par la critique dont d’autres chefs partout dans le monde s’efforcent de copier la parfaite imperfection !  » Ce jour-là, j’ai appris que tirer les enseignements de ses erreurs est aussi une manière d’avancer dans la vie « , résume le sous-chef responsable de cet heureux incident.

 » Il s’agit là d’une leçon de vie capitale, confirme la pédopsychiatre Lieve Swinnen. Une leçon qu’il est important d’enseigner à nos enfants dès leur plus jeune âge, car j’ai l’impression de voir de plus en plus de petits qui vivent dans la peur de l’échec.  »

Vouloir n’est pas forcément pouvoir

Les enfants perfectionnistes ou sensibles ont plus la peur de l’échec. Il en va de même pour ceux que la vie met déjà à l’épreuve, par exemple parce qu’ils sont victimes de harcèlement, parce qu’ils ne se sentent pas appréciés à la maison ou à l’école, parce qu’ils ont des difficultés d’apprentissage ou des problèmes psychologiques…  » Ce qui pèse toutefois de plus en plus sur nos enfants, c’est surtout la pression croissante de notre société qui exige de réussir. Jamais encore il n’y avait eu autant de burnouts. Les adultes placent la barre de plus en plus haut pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs enfants – avec les meilleures intentions du monde, évidemment, parce qu’ils veulent qu’ils réussissent dans la vie, ou c’est du moins ce qu’ils se disent. Ils attendent donc de leurs petits qu’ils se distinguent dès leur plus jeune âge… Quand ils échouent, ces enfants voient la déception dans le regard de leurs plus grands supporters, qui les encouragent en leur disant qu’ils doivent redoubler d’efforts et qu’ils y arriveront s’ils le veulent vraiment. L’échec leur apparaît donc comme quelque chose qui non seulement est exclusivement négatif, mais qui dépend aussi entièrement d’eux, alors que le problème est parfois tout simplement qu’ils ne sont pas capables d’atteindre un objectif donné, même s’ils le souhaitent de toutes leurs forces.  »

Montrez l’exemple

Pour les enfants qui y sont sensibles, la peur de l’échec n’est jamais loin : que ce soit à l’école, au club de sport, à la maison ou ailleurs, on attend d’eux – et pas forcément à tort – qu’ils relèvent toutes sortes de défis. Alors que ces attentes suscitent chez les autres enfants de leur âge une saine anticipation, elle provoque chez eux une souffrance qui peut persister pendant très longtemps et s’exprimer des manières les plus diverses.  » Sous la forme de réactions de panique, par exemple, mais aussi par un comportement difficile, des crises de colère et toutes sortes de plaintes somatiques telles que des maux de tête ou de ventre « , illustre la spécialiste.

Ce n’est que lorsqu’il est reconnu dans sa peur de l’échec qu’un enfant pourra s’ouvrir aux conseils et aux échanges.  » Expliquez-lui avec des mots qu’il comprend que l’échec fait partie de la vie et qu’il est normal de ne pas tout réussir, en particulier quand on est encore en train de grandir et d’apprendre. Dites-lui que, s’il ne faut évidemment pas prendre plaisir à faire des fautes, il ne faut pas non plus avoir peur de se tromper : apprendre de ses erreurs l’aidera justement à s’améliorer dans tout ce qu’il entreprend. Essayez aussi de rendre ce message plus concret en l’illustrant par vos propres expériences. N’ayez pas peur de lui parler de votre propre sentiment d’insécurité ou d’impuissance face à certaines situations (en veillant évidemment à ne pas les lui communiquer). Racontez-lui vos échecs, les problèmes que vous avez rencontrés et la manière dont vous les avez affrontés.  »

Les dangers de la comparaison

Attention toutefois : focaliser exclusivement sur les succès de l’enfant ne fera pas disparaître ou diminuer la peur de l’échec. Il est en effet important qu’il apprenne à encaisser les critiques pour développer une résilience qui lui évitera de s’effondrer à la moindre déception.  » Abordez toutefois toujours les erreurs et échecs d’une manière constructive, sans porter de jugement et surtout sans comparer l’enfant avec les autres, souligne Lieve Swinnen. Si vous ne cessez de lui rappeler que ses camarades réussissent alors qu’il n’y arrive pas, vous allez miner sa confiance et son estime de soi. Comme l’a très bien dit récemment le philosophe belge Pascal Chabot, la compétition en guise d’éducation n’est pas une préparation à l’avenir, que du contraire. Elle ne contribue pas à la réalisation de soi ou en rapport avec les autres et plante même le germe du burnout.  »

N’essayez pas non plus de résoudre tous ses problèmes pour lui.  » Il ne développera sa confiance en soi que si vous lui permettez le plus possible de trouver des solutions lui-même (dans les limites d’un cadre sûr), souligne Lieve Swinnen. Mettez-vous en retrait et soyez un supporter enthousiaste qui, au-delà des réussites et des échecs, prend surtout plaisir à regarder le jeu ! « 

Le droit à l'erreur
© Getty Images/iStockphoto

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