Le Douanier Rousseau sous la loupe

Autodidacte venu tard à la peinture, Henri Rousseau (1844-1910) alimente les commentaires depuis plus d’un siècle. Sa vie aurait pu être banale et terriblement triste s’il n’y avait sa personnalité singulière. Issu d’un milieu pauvre, il est l’homme de la débrouille et de la fête. Le gaillard est joyeux, bruyant, menteur, voleur et mythomane. La mort fut sa compagne de route. Veuf par deux fois, il perd aussi huit de ses neuf enfants. Il aurait pu sombrer : il préférera chercher la fuite dans l’émerveillement, et ce jusqu’à prendre peur de ses propres inventions, au point, expliquait-il, de devoir parfois  » ouvrir la fenêtre pour ne pas être emporté par le vertige « . Il deviendra peintre sur le tard – à plus de 40 ans, selon ses dires, bien plus tôt d’après ceux des historiens. Son but : devenir célèbre. Mais ses opus provoqueront le rire et le sarcasme. Hormis quelques pairs (Félix Vallotton, Alfred Jarry et, plus tard, la bande à Picasso et Apollinaire), ce sont essentiellement les  » petites gens  » qui lui achètent portraits, scènes de rue et sujets exotiques. La Bohémienne endormie, chef-d’oeuvre du Museum of Modern Art de New York fut ainsi, jusqu’en 1923, la propriété d’un plombier parisien, tandis que La Guerre, aujourd’hui au musée d’Orsay, sera retrouvée en 1944 chez un cultivateur de Louviers. Son travail décontenancera les spécialistes, qui tenteront de l’inscrire dans certains courants. On essaiera de le rattacher à l’art perse puis japonais, de prouver l’influence qu’auront eu sur lui Paolo Uccello et Antoine Watteau, qu’il avait copié au Louvre. On trouvera enfin : le Douanier Rousseau est un peintre  » naïf  » ! Les études récentes menées sur l’artiste révèlent pourtant les limites d’une telle assertion. A grands renforts de preuves (pas toujours convaincantes, loin s’en faut), l’actuelle exposition du musée d’Orsay vise à présenter l’oeuvre à partir d’une pratique formelle : l’archaïsme. Autour des 50 toiles du peintre, le visiteur y découvre une centaine de créations d’autres artistes, de Uccello à Picasso, de Carrà à Kandinsky, qui soulignent combien ce recours à l’archaïsme fait partie du vocabulaire plastique universel. Le parcours, dans une lumière de nuit tropicale, suit la logique de cette enquête à la manière d’un cours universitaire. Organisé de façon thématique, il culmine avec les Jungles. Autre point fort de l’exposition : les portraits, particulièrement ceux des enfants, peu conformes dans leur immobilité de marionnettes.

Le Douanier Rousseau – L’innocence archaïque, au musée d’Orsay. Jusqu’au 17 juillet. www.musee-orsay.fr

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