La sécurité sociale belge fêtait ses 75 ans, le samedi 28 décembre dernier. Le gouvernement Pierlot qui édicta en 1944 l’arrêté-loi » concernant la sécurité sociale des travailleurs » comptait des sociaux-chrétiens, dont Hubert Pierlot, des socialistes, dont le ministre Achille Van Acker, mais aussi des libéraux enthousiastes. Et les communistes qui venaient de le quitter ne l’étaient pas moins sur cette question. Les socialistes sont à peu près les seuls à l’avoir célébrée, et encore, au détour de quelques interviews gracieusement octroyées pour l’occasion. Ils disent qu’ils l’ont bâtie et ils ont tort car son architecture est profondément démocrate-chrétienne, et c’est la plus ancienne, mais sans doute pas la plus prospère, des idées reçues sur la sécurité sociale. Cette prodigieuse usine à redistribuer les richesses qui pèse aujourd’hui sa centaine de milliards d’euros annuels, et sans laquelle près de 40 % de la population vivrait dans la pauvreté, dispose de très bons ingénieurs, mais de très mauvais marketeurs. Qu’on se rappelle, pour s’en convaincre, que de nos jours, il n’est même pas rare d’entendre de beaux esprits proclamer vouloir sauver ce système qui repose sur les cotisations sociales en supprimant les cotisations sociales. On les entend même appuyer leur raisonnement, ces chevaliers tautologues, sur un implacable glossaire dont on veut bien livrer un extrait à ceux qui, au cours des septante-cinq années qui viennent, s’y verraient confrontés.
Il n’est même pas rare d’entendre de beaux esprits vouloir sauver ce système qui repose sur les cotisations sociales en supprimant les cotisations sociales.
Pensionné : irresponsable de plus de 65 ans qui préfère ne pas travailler plutôt que de créer de l’activité en lançant sa start-up de livraison de plats à domicile.
Malade de longue durée : espèce de pensionné mais en pire, puisqu’il a moins de 65 ans lorsqu’il préfère ne pas guérir plutôt que de se remettre à bosser et créer de l’activité en lançant sa start-up de cours de crossfit à domicile.
Chômeur : espèce de malade de longue durée mais en pire, puisqu’il n’est même pas couvert par un certificat médical l’autorisant à ne pas travailler plutôt que de se remettre au boulot et créer de l’activité en lançant sa boîte de consultance en aéronautique.
Minimexé : espèce de chômeur mais en pire, puisqu’il n’a même pas cotisé pour pouvoir ne pas travailler plutôt que de créer de l’activité en lançant sa start-up de nanotechnologie médicale.
Wallon : espèce de minimexé mais en pire, puisqu’il passe sa vie dans un hamac plutôt que de créer de l’activité et d’apprendre le flamand.
Bruxellois : espèce de Wallon mais en pire, puisqu’il n’apprend pas le flamand non plus et qu’il est souvent musulman.
Réfugié : espèce de Bruxellois mais en pire, puisqu’il préfère faire seize enfants pendant les dix ans que dure sa demande d’asile et puis s’acheter une maison en Flandre plutôt que de créer sa start-up d’entretien de crèches de Noël.
Femme : espèce de réfugiée mais en pire, puisqu’elle préfère arrêter de créer de l’activité quand elle fait des enfants qui auront du mal à apprendre le flamand et qui seront même parfois musulmans.
Séparatiste : espèce de Belge mais en mieux, puisqu’il pense que la sécurité sociale fonctionnera mieux sans pensionnés, sans chômeurs, sans malades, sans minimexés, sans Wallons, sans Bruxellois, sans réfugiés et sans femmes.