Le dernier des Mohicans

Lorsqu’on associe Bruxelles et agriculteurs dans une même phrase, c’est généralement pour parler des manifestations qui bloquent régulièrement le centre de la capitale européenne. Rarement pour évoquer le passé rural de la Région, jamais pour raconter la vie de la poignée d’irréductibles qui ont choisi d’exercer leur métier sur ce confetti urbain.

Il ne reste plus que le nom des rues pour témoigner du passé agricole bruxellois : rue du Vignoble, avenue de la Laiterie, rue du Pré aux oies ou encore rue des Betteraves… La ville a fini par digérer la campagne. Inéluctablement, la brique et le béton ont gagné leur combat contre les pâturages. Les rares fermes qui subsistent ici ou là ont été reconverties en logements chics. Toutes ? Pas tout à fait. Dans la vallée de la Pede, à Anderlecht, il existe encore un petit bout de campagne où l’on peut apercevoir des vaches qui s’abreuvent dans une vieille baignoire abandonnée dans un champ. C’est ici que Marie-Paule et Michel Heymans vivent et travaillent. A la ferme. Ils sont agriculteurs depuis une vingtaine d’années. Ils gèrent aujourd’hui l’une des deux dernières exploitations laitières bruxelloises. Ils possèdent une quarantaine de vaches et autant de veaux.  » Des Holstein, précise Michel ; championnes du monde des vaches à lait, elles donnent près de 8 000 litres par an. On cultive aussi du froment, de la betterave ou du maïs.  » Ils se sont installés ici par hasard. Les parents de Michel sont agriculteurs à Vlezenbeek, à un saut de tracteur. Elle est infirmière.  » On a repris l’exploitation à des amis des parents de mon mari, raconte Marie-Paule. C’était dur, on avait plein d’énergie. Je travaillais à mi-temps à l’hôpital, et le reste du temps ici. Mais, surtout, les conditions pour se lancer dans l’agriculture étaient plus favorables qu’aujourd’hui. « 

Une espèce en voie de disparition

Selon le dernier recensement agricole (mai 2007), il reste encore officiellement une vingtaine d’exploitations agricoles dans la région de Bruxelles-Capitale. Essentiellement, dans des communes de la périphérie, à Jette, à Koekelberg et à Anderlecht. Elles occupent une quarantaine de personnes, mais très peu d’entre elles vivent de la terre comme les Heymans. Une espèce en voie de disparition. Benoît Cerexhe (CDH), ministre bruxellois de l’Emploi, de l’Economie, de la Recherche scientifique, de la Lutte contre l’incendie, de l’Aide médicale urgente et, accessoirement, de la Politique agricole, le reconnaît :  » Ce n’est pas ce qui m’occupe le plus dans mes fonctions. L’agriculture en Région bruxelloise est marginale. Le nombre d’exploitations est en baisse. C’est un secteur qui, à Bruxelles, est malheureusement appelé à disparaître. « 

Michel et Marie-Paule ne sont pas très optimistes non plus. Touchés de plein fouet par la baisse du prix du lait et du froment et par l’augmentation de 30 % de leurs frais, ils se posent des questions sur leur avenir immédiat.  » J’ai du mal à savoir ce qu’on fera l’année prochaine, avoue Michel, d’autant que le prix du lait devrait encore baisser. A quoi ça sert de travailler quinze heures par jour, si c’est juste pour pouvoir manger ?  » La situation des agriculteurs bruxellois n’est donc pas plus réjouissante qu’ailleurs dans le pays.  » Mais ici, en plus, on ne peut envisager de s’étendre, le territoire est limité. Et les rares terres qui se libèrent lorsqu’une exploitation est en bout de course sont hors de prix. Autour de 50 000 euros l’hectare, ça fait cher le pâturage !  » A ce prix, même si le terrain n’est pas constructible, il n’y a que les promoteurs immobiliers qui sont intéressés. Ils connaissent bien Michel et Marie-Paule, ils viennent régulièrement prendre des nouvelles de leur exploitation.

O.H.

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