Le contre-lobbying de l’avocat

L’opinion publique francophone s’est réveillée tardivement face aux périls que Durban II faisait courir à la liberté d’expression. Un avocat bruxellois était à la manouvre.

Me Philippe Chansay-Wilmotte est spécialisé dans les affaires étrangères, en particulier arabes, et parfois de nature délicate. En mars 2009, avec des bénévoles, il envoie des milliers de pages aux parlementaires français, belges, suisses et luxembourgeois pour attirer leur attention sur les pièges que recèle, d’après lui, le projet de déclaration finale de Durban II.

Le Vif/L’Express : Pourquoi avez-vous décidé d’intervenir de cette façon ?

Philippe Chansay-Wilmotte : De façon générale, je suis intéressé par la question des droits de l’homme et des libertés individuelles. Même à Tripoli, l’on connaît ma position face au fondamentalisme. Mais je n’avais jamais imaginé que cette question puisse se poser un jour en Europe, sous l’impulsion de l’Organisation de la conférence islamique et d’un pays plus constant que les autres : la Turquie. J’ai décidé de réfléchir sous l’angle législatif, parce que les parlements contrôlent les gouvernements.

Quelles auraient pu être les conséquences d’un Durban II, première mouture ?

Avant la levée de boucliers, le projet de déclaration finale contenait la mention explicite de blasphème ou de diffamation des religions, qui aurait présenté un danger beaucoup plus grand pour nos libertés. Le nouveau texte, qui, c’est du jamais-vu, a été voté sans autre débat que le discours de Mahmoud Ahmadinejad, pose surtout un problème d’interprétation. Il réaffirme les droits à la liberté d’expression et d’opinion,  » dans le respect des normes internationales  » (point 54). Or l’une de celles-ci, la résolution du 18 décembre 2007 de l’Assemblée générale des Nations unies, prohibe la diffamation des religions. C’est pour cela que les défenseurs de ce texte, dont la France et la Belgique, restent gênés aux entournures, parce qu’ils ont manqué de vision stratégique. Cela aurait pu être bien pire, certes.

En quoi la Belgique doit-elle en tenir compte ?

Le texte contient une invitation à introduire en droit interne la pénalisation de  » n’importe quel appel à la haine  » parce qu’il inciterait à la  » discrimination  » (point 13). Un activiste pourrait se réclamer de ses opinions religieuses pour tenter de se disculper devant les tribunaux, par exemple. Les médias pourraient également se voir intimider par de tels amalgames. Le point 13 vise évidemment les pays occidentaux et leur liberté d’expression car, dans les pays régis par la loi islamique, il n’est évidemment pas question de critiquer l’islam. Les minorités religieuses disposent de très peu, voire d’aucune liberté religieuse. Or le texte final reconnaît  » les évolutions positives de toutes les parties du monde  » (point 22). Comme s’il ignorait le  » pacte d’intolérance  » signé par les 57 pays de l’Organisation de la conférence islamique, via la Convention des droits de l’enfant en islam. Celle-ci commande de bannir de l’univers de l’enfant – c’est-à-dire de la société, en somme – tous  » les facteurs d’aliénation culturelle, intellectuelle, médiatique et des télécommunications incompatibles avec la charia islamique ou contraires aux intérêts nationaux des Etats parties « .

Est-il encore possible de réagir, sur le plan législatif, pour amoindrir la portée de Durban II ?

Oui, en votant très vite une loi qui donnerait un contenu, en Belgique, aux qualifications non définies à Genève, en précisant que l’évocation d’un fait établi ne pourra jamais être censurée et que la critique en soi ne sera jamais considérée comme un acte de haine.

ENTRETIEN : M.-C.R.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire