Le chiac va-t-il avoir la peau du français ?

Au Nouveau-Brunswick, le chiac, mélangeant vieux français, expressions acadiennes et anglais, est en vogue chez les jeunes. Et inquiète les défenseurs du français face à la suprématie anglophone.

Si vous voyagez à travers l’est du Canada et le Nouveau-Brunswick, ne soyez pas surpris si, dans un bar de la région de Moncton, le serveur vous dit :  » Espère-moi, j’viens right back.  » Comprenez :  » Attends-moi, je reviens tout de suite.  » Bienvenue dans le royaume du chiac.

Ce parler très particulier, apparu dans les années 1960 et qui comprend des expressions acadiennes, des mots hérités du vieux français et du vocabulaire anglais, a fait le succès de Dano LeBlanc et de son personnage de bande dessiné Acadieman.  » Le chiac était la langue parfaite pour mon humour et ce projet « , explique le dessinateur dans sa librairie à Moncton.

 » On parle mal français, on a honte « 

Pour créer Acadieman,  » super-héros acadien contemporain « , Dano LeBlanc fut pris de ce qu’il appelle  » une schizophrénie linguistique  » : pour écrire ses dialogues, impossible de trancher entre un anglais ou un français standard. Le chiac s’imposa donc naturellement.  » Il fait partie de mon identité, c’est ma langue. Mon père parlait en vieil acadien, ma mère en anglais. Le chiac m’a complètement libéré. « 

Le chiac a aussi décomplexé de nombreux jeunes Acadiens du Nouveau-Brunswick. Si le nord de la province fait la part belle au français, le sud-est et Moncton sont dominés par l’anglais.  » On a toujours vécu dans un environnement anglophone. Ici, on parle mal le français et c’est une honte pour certains jeunes de s’exprimer. Le chiac nous donne plus de confiance et nous permet de continuer à parler français « , témoigne Gabriel Malenfant, l’un des trois membres du groupe de hip-hop acadien Radio Radio, véritable ambassadeur de la langue.  » Sa structure grammaticale est calquée sur le français. Il n’y a donc pas de risque d’assimilation.  »

Le chiac et son utilisation par des figures de proue de la culture acadienne contemporaine inquiètent pourtant certains.  » On manque d’exemples acadiens qui parlent français « , déplore Adrienne Deveau. Cette ancienne traductrice et enseignante de français juge le chiac  » déplorable  » et  » dangereux  » pour l’avenir de son peuple.  » L’identité acadienne s’est construite autour de la langue et de la religion. Le jour où on perdra notre langue, on perdra notre culture.  » Or, selon le dernier recensement établi par Statistique Canada, en 2006, le pourcentage de francophones dans la région est descendu sous les 33 %. Une première depuis plus de cinquante ans…

www.acadieman.com

JACQUES BERNARD

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