Le bio à toutes les sauces

Le bio a ses règles, ses habitudes et… ses talons d’Achille. Pour ne pas acheter idiot, autant faire ses courses en connaissance de cause.

En une dizaine d’années, la filière bio a considérablement amélioré sa visibilité et sa crédibilité auprès du consommateur. La professionnalisation des contrôles y a joué pour beaucoup. Mais la vitalité économique du secteur crée de nouvelles failles. Au point qu’en Belgique chacun retient son souffle à l’idée qu’un scandale de taille puisse éclater autour du bio. Neuf questions-réponses pour bien comprendre ce secteur, ses atouts et ses faiblesses.

1.Qu’est-ce que l’agriculture biologique (AB)?

On a coutume de la définir d’une façon négative: elle est sans engrais, sans pesticides, sans organismes génétiquement modifiés (OGM), etc. En réalité, l’AB est plus complexe que cela et repose sur un principe fondamental: prendre soin du sol et des êtres vivants qui l’occupent, car ceux-ci fournissent naturellement aux plantes les éléments qui sont nécessaires à leur développement. La conservation de la fertilité du sol est donc sa préoccupation primordiale.

Pour y arriver, l’AB remplace l’usage d’intrants chimiques (engrais, pesticides) par des engrais organiques (fumiers, composts, etc.), mais aussi par le choix de variétés plus résistantes aux maladies et par des rotations longues de cultures. Le désherbage se fait le plus souvent d’une façon mécanique. Un exemple: pour éviter une invasion d’insectes sur une culture fragile, l’agriculteur implantera celle-ci à un endroit exposé au vent. Ou bien il laissera des insectes prédateurs (coccinelles) s’occuper des pucerons.

L’élevage biologique se pratique au sol et non, par exemple, sur des caillebotis. Le nombre d’animaux est limité par unité de surface: 2 vaches laitières ou 580 poulets de chair à l’hectare. Des espaces minimaux, intérieurs et extérieurs, sont assurés aux animaux afin qu’ils puissent courir en liberté, selon des conditions précises de lumière naturelle et de refuge sous abri.

Les lisiers et les autres résidus de l’élevage sont réutilisés dans l’exploitation et, en cas de surface insuffisante de celle-ci, ils font l’objet d’accords et d’échanges avec d’autres agriculteurs. La très grande majorité des aliments pour animaux est d’origine biologique et végétale. Ainsi, les farines animales, par exemple, étaient bannies par l’AB bien avant l’interdiction européenne de l’automne dernier. Les médicaments (par exemple, les antibiotiques) ne sont pas administrés préventivement, mais uniquement pour soigner une maladie. Lorsqu’une pathologie se déclare, les éleveurs ont recours à l’homéopathie, aux extraits de plantes et aux oligoéléments. La pratique systématique de la césarienne est interdite. Des listes dites « fermées » (n’est autorisé que ce qui y figure explicitement) sont prévues pour les matériaux de nettoyage des installations et pour la composition des litières. Des mutilations consistant à couper la queue ou les cornes d’un bovin ne sont autorisées qu’à des conditions très strictes.

« L’agriculture biologique, ajoute Marc Fichers, agronome chez Nature et Progrès, n’est ni la nostalgie d’un passé révolu, ni un fantasme d’écologiste soixante-huitard, ni un réflexe de défiance face aux acquis de la science. Car elle est à la fois traditionnelle et tournée vers l’avenir, mariant les méthodes millénaires et les techniques de pointe. Elle se base sur l’observation et le respect des lois de la vie et se propose, avant tout, de rendre au consommateur une nourriture dans laquelle il puisse avoir une totale confiance. »

2.Comment distinguer les produits biologiques?

Ils se reconnaissent au logo appliqué sur l’emballage ou sur le produit lui-même. Le plus fréquent, en Belgique, est le label Biogarantie, mais l’on trouve assez souvent des produits portant les labels Nature et progrès (belgo-français), Eko (néerlandais) et AB (français). Ces labels sont des garanties solides, surtout pour les produits végétaux, car le terme « biologique » est protégé par une réglementation qui couvre toute l’Union européenne s’il s’agit d’aliments. Ils attestent que ces produits ont été fabriqués dans le respect d’un cahier des charges, prévu dans une réglementation communautaire qui date de 1992 (pour les végétaux) et de 1998 (pour les produits animaux). Assorties de contrôles ( lire plus loin), ces contraintes sont plus sévères que pour les labels qui font référence au « terroir », aux « produits naturels », à la production « artisanale » ou « fermière », etc.

A part l’existence d’un label européen, récent et peu utilisé chez nous, tous ces labels sont d’origine nationale. Chaque Etat a donc la faculté de rendre plus contraignantes la fabrication et la transformation des produits issus de son propre territoire. Chez nous, par exemple, le label Biogarantie interdit l’utilisation de PVC et d’aluminium dans les emballages. Le cahier des charges belge sur la viande est aussi plus contraignant que dans d’autres pays: cela signifie que des produits animaux importés en Belgique (à part le lait, c’est assez rare) sont éventuellement « moins bio » que notre production indigène.

Le label Biogarantie, en Belgique, porte aussi sur les points de vente. Dans les supermarchés, les produits biologiques doivent obligatoirement être emballés d’une façon hermétique, et non en vrac. D’une façon générale, la mention obligatoire  » produit biologique« , sur l’étiquette, signale une composition à partir d’au moins 95 % d’ingrédients bio; la mention  » produit issu de l’agriculture biologique » fait référence, elle, à une composition qui se situe entre 70 et 95 % d’ingrédients bio. A noter, enfin, qu’un yaourt de la marque Danone est autorisé à s’appeler « Bio » sans être le moins du monde biologique.

3.Pourquoi l’aliment bio est-il plus cher?

Les particularités techniques du bio, évoquées plus haut, entraînent un rendement moindre dans les exploitations – de 20 à 30 % pour le lait, de 30 à 40 % pour les céréales – par rapport à l’agriculture conventionnelle. Le producteur doit donc compenser ces faibles rendements par un prix de vente supérieur. Certes, les agriculteurs bio font l’économie des produits phytosanitaires et des engrais de synthèse, mais d’autres coûts fixes restent souvent au même niveau et certains appareillages spécifiques (comme les désherbeurs thermiques) sont assez coûteux. Les techniques de transformation, les frais de contrôle ( lire ci-dessous), la nécessité de disposer d’espaces proportionnellement plus étendus et le recours à une main-d’oeuvre plus importante expliquent aussi les prix plus élevés.

Selon une étude récente de la faculté des sciences agronomiques de l’UCL (1), les prix des produits bio grimpent, en moyenne, de 30 à 40 % de plus que ceux des produits conventionnels. A l’avenir, l’intérêt croissant de la grande distribution, de même que les économies d’échelle opérées grâce à la multiplication des surfaces cultivées en bio, pourraient faire diminuer les prix payés par les consommateurs. C’est déjà le cas, ici et là. Mais, d’une façon significative, tant les représentants des grandes chaînes de distribution que les producteurs bio revendiquent le maintien d’une différence de prix relativement marquée. Elitisme? Plutôt le signe, disent-ils, que « le bio est vraiment bio ». Un bio moins cher que la nourriture classique serait la preuve que les prescriptions techniques des cahiers des charges ne sont plus respectées. Ce que dénonce l’association des consommateurs Test-Achats, pour laquelle le bio devrait être accessible à toutes les bourses.

4.Acheter bio, est-ce se ruiner?

Une étude allemande a montré naguère que les consommateurs bio, s’ils paient en moyenne leurs aliments 30 % plus cher que les autres, ont un budget alimentation moins élevé de 8 %. Le surcoût du bio doit donc être relativisé à plusieurs égards. Ainsi, les fruits et les légumes de saison sont souvent d’un ordre de prix équivalent – voire inférieur – aux prix classiques. Quelques rares produits affichent presque toujours des prix inférieurs, mais ils ne relèvent pas de la consommation courante. Des fromages (brie, chèvre, camembert) sont parfois vendus moins cher dans le circuit bio qu’à la découpe en grande surface. En outre, malgré l’absence d’agents conservateurs, des aliments comme les pains restent souvent frais plus longtemps: moins de déchets à la poubelle, c’est autant d’argent gagné sur la facture d’achat.

Les producteurs bio ont coutume de dire que leurs légumes sont moins gorgés d’eau et qu’ils ont des propriétés gustatives et/ou nutritives plus importantes ( lire p. 49) que des aliments classiques. Il n’y aurait donc aucun intérêt, ni pour le portefeuille ni pour la santé, à payer moins cher, par exemple, des tomates qui n’ont de tomate que le nom, qui ont poussé en hiver dans de l’eau et qui ont été forcées sous serre avec des engrais.

Beaucoup de producteurs justifient aussi leurs prix élevés par le fait qu’ils supportent tous les coûts dits « externes » imposés à la société par l’agriculture conventionnelle. C’est notamment le cas du traitement de l’eau de distribution qui, après son pompage dans les nappes phréatiques, doit être débarrassée des nitrates et des résidus de pesticides. Cette collectivisation des coûts se chiffre évidemment en milliards de francs. La facture augmente encore si l’on tient compte des coûts colossaux engendrés, à une époque, par la constitution des stocks européens de nourriture excédentaire et, plus récemment, par les dérapages de l’agriculture intensive: destruction des stocks de farines animales, abattage de centaines de milliers de têtes de bétail en raison des maladies de la vache folle et de la fièvre aphteuse, etc. Les produits bio, eux, n’imposent pas ces charges financières à la collectivité. Les surcoûts sont à leur propre compte.

Dans ce sens, acheter bio revient en quelque sorte à poser un acte militant. « Le premier contact avec un produit biologique, résume Denis Guillaume, gérant de « Bi-oh! », un service de livraisons express, se solde souvent par une surprise: « C’est cher! ». En réaction, et plutôt par souci financier, on en consomme moins. Puis, en rencontrant des producteurs, on est amené à réfléchir: ne mangeons-nous pas trop de viande, dans nos pays riches? Peu à peu, on se place sur le terrain de sa santé personnelle. On constate des bienfaits à manger bio: sommeil, digestion, etc. Enfin, on s’interroge sur un autre plan: ne sommes-nous pas soumis à un martelage publicitaire sur la prétendue valeur des produits de synthèse, bourrés de sucres et d’additifs inutiles? Et on modifie notre façon de vivre. »

5.Les produits bio sont-ils meilleurs?

Les promoteurs de l’AB ont coutume de dire que leurs produits sont meilleurs pour la santé. Ils auraient une saveur plus prononcée; la chair de la viande serait plus ferme et moins aqueuse; les fruits et les légumes contiendraient davantage de minéraux (de 10 à 290 % en plus!), de vitamines, de protéines et d’acides aminés essentiels (jusqu’à 25 %). Au siège du label Biogarantie, on reconnaît toutefois qu' »aucune étude scientifique fiable ne démontre l’influence positive de cette consommation sur la santé ». Seule une étude danoise aurait établi une plus grande activité du sperme chez les agriculteurs et les consommateurs bio. Apparemment cocasse, ce résultat rappelle néanmoins que, pour expliquer la baisse de la fertilité masculine, de sérieuses présomptions reposent – notamment – sur la contamination généralisée de notre environnement due aux pesticides.

En réalité, en matière de qualité, tout dépend de quoi on parle. Du goût? Des qualités nutritives? Ou des caractéristiques sanitaires d’un aliment? « L’analyse du goût et de la saveur des aliments échappe à toute appréhension scientifique, explique le responsable « qualité » d’une grande chaîne de distribution. Il faut apprécier au cas par cas: les produits insipides ou coriaces, cela existe aussi dans le bio. » Il faut cependant reconnaître au bio qu’il fait parfois (re)découvrir des variétés d’aliments méconnues, même si ceux-ci se distinguent parfois (mais de moins en moins) par un aspect moins soigné, moins « standard ».

En matière de propriétés nutritives, c’est la bouteille à encre. En Belgique, aucune étude scientifique et indépendante ne semble avoir été consacrée au sujet. Tout au plus peut-on constater que la « philosophie » bio fait souvent la part belle à des modes de préparation culinaire qui maintiennent les qualités nutritionnelles des aliments. Mais c’est loin d’être son apanage! Même en mangeant exclusivement bio, on peut consommer trop de viande, trop de graisses et pas assez de fibres.

6.Et les pesticides?

Il y a quelques années, Test-Achats a découvert de faibles traces de résidus de pesticides dans des aliments bio. Scandale? C’est oublier que l’air ambiant et même les pluies sont parfois contaminés dans nos pays. Utiliser ces résultats pour condamner le bio, ce serait tomber dans le piège du mauvais procès. L’interdiction des produits phytosanitaires étant l’un des b.a.-ba du bio (leur usage est sévèrement réprimé), son véritable talon d’Achille se situe ailleurs: certains produits sont susceptibles de contenir des mycotoxines, c’est-à-dire des produits chimiques naturels fabriqués par des moisissures. Or ces mycotoxines peuvent entraîner des intoxications, parfois aiguës. Leur consommation régulière, même en petites quantités, peut favoriser l’apparition de cancers.

A l’unité de biochimie de la faculté des sciences agronomiques de l’UCL, on s’est penché récemment sur les mycotoxines présentes dans l’orge et les jus de pomme. Les résultats préliminaires sont plutôt rassurants: ces deux produits contiennent légèrement plus de mycotoxines, s’ils sont bio, que les mêmes produits conventionnels. « Mais, estime le Pr Yvan Larondelle, certainement pas dans une proportion catastrophique. Du reste, les mycotoxines ne sont pas l’apanage des produits bio. » Et de souhaiter, néanmoins, que la toute nouvelle Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsa) se penche sérieusement sur le problème des moisissures dans la filière bio.

D’une façon générale, les données scientifiques comparatives bio/non bio semblent cruellement faire défaut. Seule une grande chaîne de distribution nous confie avoir déjà constaté, dans ses poulets et ses oeufs bio, une présence plus importante de contaminants microbiologiques (salmonelles, campylobactes, etc.), « non parce qu’ils étaient bio, mais parce qu’ils étaient en parcours extérieur, au même titre que les poulets dits « artisanaux », « fermiers », etc ». Bref, le naturel n’est pas systématiquement plus sûr. Et d’ajouter, néanmoins, que la multiplicité des contrôles opérés sur le bio en fait, et de loin, la filière alimentaire la plus surveillée.

Enfin, ajoutons que l’absence de conservateurs chimiques, de colorants et d’aromatisants fait du bio, souvent, un créneau alimentaire recommandé aux personnes souffrant d’allergies.

7.Le bio est-il… vraiment bio?

La législation européenne impose des contrôles stricts. En Belgique, ils sont opérés par deux organismes privés, reconnus par les pouvoirs publics: Blik et Ecocert. Chaque acteur de la filière est visité au moins une fois par an, sur rendez-vous. A cette surveillance s’ajoutent, le plus souvent, des contrôles inopinés. Le tout est financé par les opérateurs eux-mêmes. Ces contrôles s’exercent de la ferme à l’étal, en passant par les différents stades de transformation et de stockage. Tout est susceptible d’être passé au crible: techniques de production, carnets d’élevage, comptabilité, entrées et sorties de matières, échantillons de sols et de plantes. A noter que, pour les bovins bio, la « traçabilité » génétique, c’est-à-dire le suivi d’un animal depuis sa naissance jusqu’à l’assiette, est d’ores et déjà possible grâce à une pilothèque (banque de poils), alors qu’elle est seulement en cours d’installation pour le secteur conventionnel.

Tout cela, c’est la théorie. Certes, il serait faux de prétendre qu’il y a un gouffre entre les textes légaux et la réalité de terrain: les contrôles de la filière bio, en effet, viennent en surplus de la surveillance effectuée par les ministères de la Santé publique et de l’Agriculture. Toutefois, les contrôles bio n’échappent pas à certaines critiques.

D’abord, la tenue de rapports d’activités chez les deux organismes certificateurs belges semble une grande nouveauté. Le premier est prévu… cette année. C’est assez étrange pour un secteur qui affiche la transparence comme une vertu cardinale. Ensuite, certains maillons de la chaîne bio sont réputés plus faibles. Les uns citent la traçabilité animale: il serait relativement facile, pour un éleveur peu scrupuleux, de trafiquer les boucles Sanitel des animaux (elles portent un numéro, accroché à leur oreille). D’autres, plus nombreux, pointent le secteur des transformateurs « mixtes », c’est-à-dire ceux qui développent à la fois des activités conventionnelles et bio; chez eux, le risque serait plus grand de remplacer des marchandises bio par des produits conventionnels ou de trafiquer les procédés de production. D’autres, enfin, attirent l’attention sur la vente en vrac dans les petits négoces. Tout y est affaire de confiance du client en son commerçant.

A noter que les organismes de contrôle ciblent évidemment leur surveillance en fonction des saisons et de l’importance des activités des opérateurs. Ainsi, certains grossistes sont visités quinze fois par an. Les abattoirs, tous les mois. Chaque culture offre aussi sa période « sensible » aux maladies et aux animaux ravageurs. A ce moment, en contact régulier avec les stations de recherche agronomique, les contrôleurs renforcent leur surveillance sur les pratiques – non bio – qu’ils savent les plus tentantes. Dans ce jeu du chat et de la souris, chaque astuce des fraudeurs (comme la rémanence de plus en plus courte des produits phytosanitaires) est contrebalancée par le savoir-faire des organismes de contrôle. Mais, si les techniques de détection des produits phytosanitaires interdits sont de plus en plus affinées, elles sont aussi limitées par leurs coûts, mis à la charge des opérateurs…

8.Le bio fraude-t-il?

Le non-respect du cahier des charges bio n’est pas forcément synonyme de fraude. Ainsi, un producteur qui omet de mentionner une indication obligatoire sur l’étiquette de son produit se verra, le plus souvent, rappelé à l’ordre par une simple remarque. De même, la mauvaise tenue d’un carnet d’élevage n’implique pas nécessairement que le porc ou la vache ne sont pas élevés en bio. La hiérarchie des « sanctions » passe ensuite à l’avertissement, puis au régime de contrôles renforcés et, enfin, au retrait de la certification: du lot incriminé, de la parcelle ou – plus grave – de l’entreprise tout entière. Dans ce cas, la vente sous label bio devient évidemment impossible.

En 1999, sur 400 fermes visitées, Ecocert a exclu 6 opérateurs de la filière bio. Chez Blik, sur 275 producteurs, on a enregistré, l’année dernière, un seul cas de retrait de certification d’une entreprise. On y a notifié 46 avertissements à la suite de fautes considérées comme « moyennes ». Pour les transformateurs (soit 250 boulangers, crémiers, fromagers, bouchers…), Blik a rédigé 36 avertissements, notifié 2 renforcements de contrôle et n’a délivré aucun retrait d’agrément. Les deux organismes reconnaissent à la grande distribution un degré de conformité aux normes aussi solide – sinon plus – que les petits commerces indépendants.

Mais, à l’intérieur, le secteur bio n’échappe pas à d’étranges rumeurs. Ainsi, lorsqu’un marchand d’animaux bien connu sur la « place » bio est aperçu, à plusieurs reprises, au marché à bétail (conventionnel) de Ciney, les discours se font soupçonneux. « Les organismes de contrôle ne ferment-ils pas les yeux sur les «  »petits écarts », commis par certains grands noms du bio, et dont la révélation porterait gravement préjudice à l’image de tout le secteur? » s’inquiète un négociant.

Suspicions légitimes ou règlements de comptes? Il est certain, en tout cas, que la filière belge retient son souffle à l’idée qu’un scandale viendrait compromettre son essor et sa crédibilité, particulièrement en ces temps de turbulences autour des assiettes. A cet égard, il est significatif qu’une partie importante des non-conformités constatées par les organismes de contrôle sont mises au jour à partir de délations. Il semble ainsi que les brebis galeuses soient surveillées ou écartées par leurs pairs, afin de tuer dans l’oeuf tout risque de discrédit général.

9.Les produits bio importés sont-ils contrôlés?

Lorsqu’un produit provient de l’Union européenne, sa culture et sa transformation doivent, au minimum, avoir respecté la législation des Quinze. S’il est extraeuropéen, il doit avoir respecté dans le pays d’origine des conditions équivalentes à celles du cahier des charges européen. Mais, en plus, l’organisme de contrôle local doit avoir été agréé par l’Union européenne.

Cela, c’est la théorie. En réalité, beaucoup d’opérateurs que nous avons rencontrés estiment que l’un des talons d’Achille du bio réside dans les transferts de plus en plus importants de matières premières (céréales, soja) vers l’Europe. « L’essor du bio a poussé une série d’opérateurs, nouveaux sur la place, à s’intéresser directement à la commercialisation de gros volumes de marchandises, par exemple pour l’alimentation du bétail, confie le gérant d’une société d’import-export bio. Par réaction, les « anciens » ont intensifié leurs contacts avec les producteurs locaux. Notamment pour garantir un approvisionnement en maïs sans OGM (organismes génétiquement modifiés). Mais combien de temps serons-nous à l’abri d’un scandale? » Et de regretter que les organismes certificateurs respectifs de chaque pays sont encore incapables, trop souvent, de collaborer au-delà des frontières, notamment pour suivre le déplacement des cargaisons en temps réel.

En Allemagne, les contrôles ont récemment réussi à faire capoter une fraude organisant l’importation, depuis l’Europe de l’Est, de milliers de tonnes de céréales dont le caractère bio était douteux. Il y a quelques mois, le patron d’une entreprise du Morbihan (France) a été traduit en justice, car il était soupçonné d’avoir revendu 50 000 tonnes de céréales non bio à la filière d’aliments biologiques pour animaux. Les Pays-Bas, de leur côté, n’ont pas échappé à un autre scandale. En Belgique, chacun retient son souffle. Un seul scandale alimentaire dans la filière bio ruinerait la réputation du secteur et ferait sans doute oublier les cas de fraude qui agitent le secteur agroalimentaire conventionnel.

(1)L’agriculture et l’horticulture biologiques, perspectives d’avenir en Belgique (Annick Cnudde, octobre 2000).

Ph.L.

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